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Menaces sur l'accès aux soins et la vie des Exilé.es

Loi Darmanin fin 2023: droit des étrangers, AME etc.

 Documentation rédigé à l'arrache en construction permanente   
du passage au Sénat, à la commission des lois de l'AN, puis à l'Assemblée National, et au Conseil Constitutionnel et ensuite...


Le projet de loi "Darmanin" sur l'asile et la migration:
Sur cette page, quelques liens à des documents et articles du Monde, Alternatives économiques, Médiapart, Atlas des migrations, etc. durant cette période sombre:

A Quelques articles sur le projet de loi dans son ensemble
 à retrouver plus bas ici
A-A Mouvement de janvier contre le projet de loi


B Quelques références générales sur les migrations (à retrouver plus bas ici)
le nombre de premiers titres de séjour en 2022

D- AME (aide médicale d'état) et étrangers malades,
quelques liens et articles ci-dessous






Projet de loi asile immigration (Darmanin)


Info analyses sur la loi (au 15 janvier 2024)





Mouvement pour le retrait de la loi

1- L’Appel des 201 contre la loi immigration

Deux cents et une personnalités d’horizons divers, dont l’ex-Défenseur des droits Jacques Toubon, appellent à marcher le dimanche 21 janvier dans toute la France pour demander au Président de la République de ne pas promulguer la loi immigration.



2- Retrait de la loi asile immigration !
Mobilisation nationale dimanche 14 janvier 2024 contre la loi Darmanin

La loi asile immigration marque un tournant que nos collectifs, associations, syndicats, organisations ne peuvent accepter. Elle reprend de nombreuses idées de l’extrême droite comme la préférence nationale et aura des conséquences terribles sur la vie de centaines de milliers d’habitant·es étranger·es sur le sol français. Il s’agit de la loi la plus régressive depuis 40 ans. Cette loi raciste et xénophobe restreint le droit au séjour, accentue considérablement la répression, s’attaque au droit d’asile, au droit du sol, aux étranger·es malades, aux étudiant·es non européen·nes, au regroupement familial. L’attaque contre l’hébergement d’urgence, le durcissement de l’accès aux prestations sociales dont les allocations familiales et les aides aux logements vont jeter des familles à la rue ou dans les bras de marchands de sommeil, particulièrement les femmes migrantes.

Cette loi va précariser davantage les travailleuses et travailleurs, les lycéen·nes, les étudiant·es avec ou sans-papiers.

L’arbitraire préfectoral est encore renforcé, refoulement aux frontières, délivrance systématique des OQTF et IRTF et allongement de leur durée, notamment pour les travailleuses et les travailleurs. Cette loi s’attaque aux libertés publiques, bafoue les droits fondamentaux tel que le droit d’asile, réinstaure la double peine et fait honte à la France, qui prétend défendre les valeurs d’égalité entre toutes et tous. Nous exigeons donc le retrait de cette loi.

Nous appelons :

  • À soutenir toutes les luttes pour la régularisation des sans-papiers, notamment les grèves
  • À empêcher l’application de cette loi en multipliant les actions de solidarité et en faisant œuvre de désobéissance civile
  • À manifester massivement sur tout le territoire le dimanche 14 janvier, pour empêcher que cette loi soit promulguée, combattre le racisme, la xénophobie et défendre une politique migratoire d’accueil et de solidarité.

Le 3 janvier 2024

Organisations signataires

Coordination nationale pas sans nous, CTSP V, Solidarité Aise France, Mouvement de la paix, Collectif soutiens/ migrants Croix-Rousse, MERH.76, CSP17EME, Dernière Révolution, Csp Montreuil, LDG Section d’Arles, CSP 93, LDH MARTIGUES, CSP 75, MAISON DE HOSPITALITE, AVEC ASSOCIATION de Veille Écologique et Citoyenne-Nantes, Union Syndicale Lycéenne, Fédération Nationale de la libre pensée, Parti Communiste des Ouvriers de France, Adelphi’Cité, Solidaires Val-de-Marne, Pour une santé engagée et Solidaire, Voies Libres Drôme, Fondation Frantz fanon, TadamunExil70, Association des travailleurs Maghrébins de France (ATMF), Fédération Tunisiens pour une Citoyenneté des deux rives ( FTCR), RESF82, Stop Précarité, LDH PARIS 16, FASTI, Ah Bienvenue Clandestin.e.s !, Gauche démocratique et sociale (GDS), Association Antiraciste 77 (AFA77), La trame, Organisation et Solidarité Trans (OSTI), Csp 75, Thot, Fondation Copernic,Asti de Petit Quevilly, Le paria, Jamais Sans Toit, Bagagérue, collectif défense des droits des étrangers - RESF-Paris 12 ème, Soulèvement de la terre IDF, A.M.I.E.S, La MIF (Militant.e.s pour l’interdiction des Frontières, Génération.s, TERRE ET LIBERTE POUR ARAUCO, la France Insoumise, Comité local des Soulèvement de la Terre-Lyon, Les jeunes Écologistes, PEPS- Pour une Écologie Populaire et Sociale, Collectif chabatz d’entrar haute vienne, Réseau Eco Syndicaliste, UJFP (Union Juive Française pour la paix, Paris d’Exil, REV ( révolution écologique que pour le vivant), MADERA, Collectif Fontenay-Diversité, Union des étudiants exilés, DAL, LDH Lyon Confluences, LFi, Utopia 56, CRID, Miloud-ali azzeddine, Grigny Solidarité Paledtine, Sud protection sociale basse Normandie, Collectif MigrantE Bienvenue 34, Femmes Égalité, ELAfF, ATTAC Rennes, Bissai Media, ss, Sud protection Sociale 93, Soulida Grignan, Association ensemble Marseille, Réseau Éducation Sans Frontières (RESF*, Caf de Saint Denis, Mrap du Vaucluse, Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng, CAD (Collectif Accès au Droit), Val de Drôme Accueil Réfugiés, Marche des Solidarités, …, Sudct comminges, Info’Com CGT, FUIQP Front Uni dès immigrations et des Quartiers Populaires, Le parti de Gauche, K occasion solidaire, Section LDH d’Evreux, France Amérique latine-FAL, Centre Tara, Émancipation Tendance intersyndicale, ASIAD, CMB, Identité Plurielle, Parti des travailleurs- Section France ( Tunisie), Parti des travailleurs de Turque- France, Une École, un Toit, des papiers- Pays dacquois, Front Uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) Uni, Fred Joli, ANC, Fédération des tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici, Collectif Santé Précarité Montpellier, VA, ACE ( Action Culturelle Entreprise) Rennes, Sövkipeu, ATTAC 82, Syndicat Unifié du Bâtiment ( SUB) de la CNT-f, un toit c’est tout, Fédération Etorkinekin Diakité, Welcome Vendée, Education.World 86, Sud Lutte de Classe éducation, SUD retraité.es, Association « Collectif de Soutien aux Migrants du Goëlo » (CSMG), Climat Social, Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrant.es ( BAAM), Le pont Martigues collectif de soutien psychologique aux exiles, Collectif Migrants 17, La France Insoumise 67, RESF 94 Vincennes Saint- Mandé, Comité Anti Expulsion de Saintes, Kolone, Solidaires, Association patience et espoir, Association de soutien aux Amoureux au Ban Public de Lyon, AntiracismeS 94, AMDH Paris IDF ( Association Marocaine des Droits Humains), Tous Migrants, Collectif Loire « Pour que personne ne dorme à la rue », ASTI Les ULIS, Cheminots retraités CGT Montauban, CAIII ( Comité d’Action Interprofessionnelle et Intergénérationnel d’Issy-les-moulineaux, CATG ( Coordination Antiracisme Trégor-Goëlo), Attac Paris 19/20, Personnel, Anne Marie Shih Erault, Mouvement National Lycéen, MRAP Paris, Fraternité douarnenez, Afidé, 91GRA, LFI82 Tarn et Garonne, Association des Marocains en France (AMF), Toulouse Anti CRA, Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC), Cévennes Terre d’Accueil, Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN), Ekim,Comité MRAP Melun et sa région, Droit devant !!, Polaris 14, Association Deux Rives, CNT IS 31, Michel de Bettignies, AHSETI ( ASTI du Havre), Soutien812-BZH, COLLECTIF UNIVERSITAIRE FRANCO- ALGÉRIEN, Stop précarité Christon hansma, Le Phare Collectif, Natalia Valdivia, TOUS MIGRANTS 73, LDH Section Cannes- Grasse, Occasion Solidaire, Solmire, Solidarité Migrants Beauvais, Collectif Vérité pour Alassane, Commission Immigration EELV, CSSP de Lannion Collectif de soutien aux sans papiers de Lannion, LDH 70, ensemble pour un toit, Alternatiba Caen, Morlaix Liberté, ASTI de Chalon sur Saône, NPA Jeunes, Femmes Solidaires Arles, Nouveau Parti Anticapitaliste, Collectif justice et vérité pour Babacar Gueye, CNT-Solidaires Ouvrière, UDB, Morlaix Liberté, La Cour des Miracles, Team sama, Osez le Féministe ! Arles, Arts Premiers de Peuples Minoritaires, Le Sursaut, Les inverti.e.s, La Relève féministe, SOROSA, RESF PSO, Collectif Ivryen de Vigilance Contre le Racisme CIVCR, Roya citoyenne, SOMICO (SOutien MIgrant.es COLLectif 06), La Roue Tourne Strasbourg, Gauche Ecosocialiste, Pour une santé Engagée et Solidaires, Collectif Réfugiés de Vaucluse, Les Ecologistes-EELV, Droit d’Asile Quimper Cornouaille, Plaine Tempête/ Soulèvement de la Terre 93 Nord, AFPS Rouen, ASTI de Colombes, CGT Rouen, Sotteville, St Etienne, Oissel, Quevilly, ASTI ROMANS SUR ISÈRE DROME, Pernes, Association France Palestine Solidarité Paris-Sud, Extinction Rebellion France, Collectif Boycott Apartheid Israël-Paris Banlieue, Planning Familial 69, Étincelles, Union étudiante, RESF27, Marseille 8 Mars, Collectif national pour les droits des femmes, Gisti.
  



Projet de loi asile immigration (Darmanin) (articles)

Pour rappel, la loi a été votée le 19 décembre, rompant les digues de la République et attaquant les principes de droit fondamentaux.
On peut retrouver les votes des député.es ici

https://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/16/(num)/3213

La page du GISTI sur le projet de loi Darmanin
https://www.gisti.org/spip.php?article6862

2 tribunes utiles


Appel solennel des professionnels de santé, du social, du soin et de la recherche au Président de la République :
Retirez cette loi mortifère pour la santé publique


https://www.icmigrations.cnrs.fr/2023/12/20/loi-immigration-tribune-ic-migrations/




Des articles et tribunes durant le feuilleton de la loi en fin d'année 2023

Loi immigration : l’impossible « compromis »

En commission des lois, les députés ont élagué certains des amendements ajoutés au Sénat, tout en conservant des mesures de « fermeté ». S’ils ont réintégré une mesure restrictive de régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers en tension, la droite LR se sent flouée et la gauche n’y trouve pas davantage son compte.

Nejma Brahim et Pauline Graulle


-

- 2/12 (Le Monde) : Le projet de loi « immigration » adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale, dans une version remaniée

Le texte revient sur les mesures les plus dures introduites par le Sénat mais le camp présidentiel espère encore décrocher des voix de droite. Il sera débattu dans l’Hémicycle à partir du 11 décembre.

Ils ont aussi restauré l’accès à l’hébergement d’urgence pour les étrangers en situation irrégulière, que le Sénat souhaitait cantonner aux « circonstances exceptionnelles ». Un article précisant que les déboutés du droit d’asile ne peuvent plus en bénéficier est en revanche maintenu.

Ils ont également adopté une large réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le texte vise à sa déconcentration grâce à des chambres territoriales. Au grand dam de la gauche, il pose aussi le principe de décisions par juge unique, sauf pour les mineurs, la collégialité étant plutôt réservée aux cas jugés complexes.



- Une émission "A l'air libre" sur MDPt sur le projet et les questions qu'il pose (extrême droitisation inouïe du Sénat et du débat)
https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/loi-immigration-le-debat-public-est-lepenise

Tribune de Pascal Brice et al. (Le Monde) et le Pouvoir de Vivre :
« Nous appelons au sursaut collectif avant le passage du projet de loi sur l’immigration à l’Assemblée nationale »


Page sur le projet de loi de la CIMADE
La CIMADE 14 novembre: 
https://www.lacimade.org/analyse/projet-de-loi-asile-et-immigration-2023/
Projet de loi asile et immigration : le sénat adopte un texte aux mesures indignes absurdes et dangereuses

Texte reproduit sur cette page plus bas sur cette page cliquez ici!

Décyptage de la CIMADE, doc sur site


- Antoine Math sur Alter Eco : « En matière de droit des étrangers, les digues ont sauté »

https://www.alternatives-economiques.fr/antoine-math-matiere-de-droit-etrangers-digues-ont-saute/00108578


Liste des amendements proposés concernant les étrangers malades

(
travaillés par un collectif d'associations dont Sidaction, AIDES, Act-up Sud Ouest, MdM, TRT5-CHV  et Envie, tous membres du collectif des 10 choix politiques. et à diffuser auprès des député.es membres de la commission des lois)


Article du Monde qui fait le point sur la loi votée au Sénat (15 11 23)

https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-de-loi-immigration_6200096_823448.html?random=1982335241

- Lemonde.fr publie dans la rubrique "Les Décodeurs": "Le projet de loi « immigration » de Darmanin, dernier texte d’une longue série de 117 depuis 1945".

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/14/la-loi-immigration-dernier-element-d-une-longue-serie-de-117-textes-depuis-1945_6199984_4355770.html


- Décryptage de la loi lors du colloque du 13 octobre de MEDA (visio) par Laurent Delbos et  Mourad Zouine
(voir l'ensemble de la journée du colloque à partir de cette page)


- Le texte du Centre Primo Levi


https://www.lacimade.org/analyse/projet-de-loi-asile-et-immigration-2023/

La CIMADE: Projet de loi asile et immigration : le sénat adopte un texte aux mesures indignes absurdes et dangereuses

https://www.lacimade.org/projet-de-loi-asile-et-immigration-le-senat-adopte-un-texte-aux-mesures-indignes-absurdes-et-dangereuses/
14 novembre 2023

Le Sénat a adopté aujourd’hui le projet de loi asile/immigration, à l’issue d’une semaine de débats particulièrement éprouvante et dramatique.

Il y a 10 jours, le lundi 6 novembre, personnes exilées et associations organisaient une conférence de presse à l’occasion de laquelle les premiers concerné·e·s prenaient la parole pour dénoncer les conséquences du texte sur les conditions de vie des personnes migrantes ; avant de se retrouver devant le Sénat pour d’autres déclarations en ce sens, soutenues et relayées par plusieurs parlementaires. Après ces temps collectifs émouvants et dynamisants, se sont malheureusement succédées des journées bien noires.

Jour après jour, l’examen du projet de loi au Sénat a égrené son lot de mesures indignes, absurdes et dangereuses, portées par les parlementaires mais aussi par le gouvernement lui-même, venant durcir un texte déjà très inquiétant dès son origine.

La liste pourtant non exhaustive donne le vertige :

  • Suppression de l’Aide Médicale d’Etat.
  • Restriction du droit de vivre en famille via le regroupement familial, la réunification familiale ou les titres de séjour pour motifs familiaux.
  • Suppression des articles, pourtant très drastiques à la base, portant sur la régularisation dans les métiers en tension ou l’accès au travail des demandeurs d’asile.
  • Restriction des conditions d’accès à la nationalité française
  • Renforcement de la double peine
  • Rétablissement du délit de séjour irrégulier
  • Mise à mal des protections contre les expulsions jusqu’à la suppression des protections contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), au détriment de tout discernement et de toute considération humaine ;
  • Durcissement de la rétention administrative, notamment pour les demandeurs d’asile  ou encore facilitation des expulsions sans que la légalité de l’interpellation et le respect des droits ne soient examinés par le juge des libertés et de la détention.

Mais au-delà de l’examen parlementaire, c’est également le débat médiatique l’entourant qui s’est montré dramatique, distillant, y compris sur des médias de service public, son lot d’émissions et de propos anti-migration stigmatisants, caricaturaux, voire carrément haineux.

Que nous dit cette séquence conclue aujourd’hui par l’adoption de ce texte à une large majorité de la chambre haute ?

Que majoritairement, la raison a déserté l’hémicycle sénatorial, désormais largement intoxiqué par l’air rance du temps, l’obsession d’un prétendu danger migratoire, primant sur toute autre considération.

Que le gouvernement, tout à sa recherche d’un compromis impossible sur un texte dangereux, accompagne ce mouvement au détriment de toute vision d’avenir pour notre société, de toute préoccupation d’intérêt général ; et au détriment bien sûr des personnes migrantes, une nouvelle fois réduites à des chiffres et statistiques déshumanisés, à des objets de marchandage électoral.

Que le processus parlementaire en cours est dramatique, également en ce qu’il conforte un climat social, politique et médiatique saturé de préjugés, de rejet de l’Autre, minant chaque jour un peu plus notre cohésion sociale et notre démocratie.

Qu’il nous faut malgré cela continuer, notamment dans la perspective du débat à l’Assemblée nationale, à se mobiliser contre ce texte, à marteler que d’autres politiques migratoires sont possibles, que l’accueil et la solidarité peuvent et doivent encore avoir droit de cité au pays des droits humains.

Mais il est clair qu’au vu de l’ampleur de la tâche à l’issue de cette semaine, et du climat ambiant, il va être vraiment nécessaire que toute la société – responsables politiques, médias, syndicats, corps intermédiaires, société civile, citoyennes et citoyens… prenne conscience de l’urgence de se positionner dans ce débat et de se mobiliser.

La Cimade poursuivra ainsi dans les prochaines semaines son travail d’expertise sur le texte et les discussions l’entourant, de déconstruction des contre-vérités et amalgames saturant aujourd’hui le débat public, et d’appel à la mobilisation de toutes et tous, pour faire advenir d’autres possibles.

Ressources disponibles : projet de loi asile et immigration :  outils de décryptage, de mobilisation et de communication de La Cimade



Antoine Math : « En matière de droit des étrangers, les digues ont sauté »

https://www.alternatives-economiques.fr/antoine-math-matiere-de-droit-etrangers-digues-ont-saute/00108578
9 novembre 2023
Entretien
Le 09/11/2023 9 min
Antoine Math Economiste à l'Institut de recherches économiques et sociales

En pleine discussion sur le projet de loi immigration, le Sénat a non seulement supprimé l’aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers extra-européens mais adopté le 8 novembre deux amendements qui leur imposent cinq ans de « présence stable et régulière » en France pour percevoir l’allocation personnalisée au logement et les allocations familiales, mais aussi la prestation de compensation du handicap et le droit au logement opposable.

L’économiste Antoine Math, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et spécialiste des politiques sociales, revient sur ces décisions « qui viennent de très loin ».

Suppression de l’aide médicale d’Etat, condition de « résidence stable et régulière de cinq ans » pour l’accès à de nombreuses prestations sociales… Le Sénat s’échine à restreindre les droits des étrangers extra-européens. Etes-vous surpris ?


Antoine Math : Je ne suis pas surpris, non. Depuis des années, que ce soit dans les programmes des partis de droite et d’extrême droite ou dans certaines politiques publiques, notamment imposées à Mayotte et en Guyane, de telles mesures sont promues. Elles viennent de très loin, et dans le climat actuel d’extrême-droitisation qui va bien au-delà des partis appartenant à ce spectre de l’échiquier politique, cela ne m’étonne pas qu’elles rencontrent un franc succès.

Les étrangers étaient exclus du minimum vieillesse, du minimum invalidité et de l’allocation aux adultes handicapés jusqu’en 1998

Un détour par l’histoire n’est pas inutile. Pendant longtemps, il y avait une condition de nationalité pour l’accès à certaines prestations sociales non contributives. Il fallait être Français ou Européen ou ressortissant d’un pays ayant signé telle ou telle convention avec la France. Les étrangers étaient ainsi exclus du minimum vieillesse, du minimum invalidité et de l’allocation aux adultes handicapés jusqu’en 1998.

Pendant les années 1980, le Front national, aujourd’hui Rassemblement national, défendait ce qu’il appelait « la préférence nationale ». C’était sa mesure phare.

Cette exclusion a été supprimée. Que s’est-il passé ?

A. M. : C’est le fruit d’un long combat politique et juridique. L’exclusion de certaines prestations sur le fondement de la nationalité a été considérée discriminatoire ou contraire au principe d’égalité au regard de la Constitution et des textes internationaux. Le Conseil constitutionnel en 1990, la Cour de Justice de l’Union européenne en 1991, la Cour de cassation la même année, puis la Cour européenne des droits de l’Homme en 1996 ainsi que le Conseil d’Etat dans plusieurs décisions à partir de 1996 ont statué en ce sens. Cela faisait de plus en plus mauvais genre.

Ce n’est finalement qu’en 1998 qu’une loi supprime enfin cette condition de nationalité pour l’accès à ces trois prestations.

Dans les années 1990 pourtant, des responsables politiques comme Edouard Balladur, qui avait été Premier ministre, Nicolas Sarkozy, qui avait été son ministre du Budget, ou, d’un autre bord, Martine Aubry1, avaient pu estimer normal de réserver certaines prestations sociales aux nationaux et aux Européens. Ils ont dû céder.

Après la suppression de la condition de nationalité pour l’accès aux prestations sociales, l’évolution est-elle allée dans le bon sens ?

A. M. : Une autre condition est rapidement venue combler l’impossibilité de la condition de nationalité pour restreindre l’accès des étrangers à certaines prestations. C’est la condition d’antériorité de titre de séjour autorisant à travailler.

Attention ! Ce n’est pas la condition d’ancienneté de présence ou de résidence, dite aussi de résidence stable, qui existe par exemple en matière de protection maladie, assurance maladie ou d’Aide médicale d’Etat. Elle est beaucoup plus restrictive.

La condition d’antériorité de titre de séjour autorisant à travailler est une arme de guerre massive contre les étrangers

C’est une arme de guerre massive contre les étrangers. Elle ne permet pas d’exclure tous les étrangers comme le ferait la condition de nationalité jugée contraire à la Constitution et aux normes internationales, mais elle s’en approche par ses effets, en excluant une proportion d’autant plus importante que l’antériorité exigée est longue.

Mais même lorsqu’on remplit en pratique cette condition draconienne, faire valoir ses droits n’a rien d’évident. Pour deux raisons. D’abord, il faut pouvoir le prouver. Or lorsqu’on renouvelle son titre de séjour, on rend l’ancien. Il faut donc être très prudent, avoir fait des scans ou des photocopies de ces titres de séjour précédents sur cinq, dix ou quinze ans, et ne pas les avoir perdus.

Ensuite, lors des renouvellements de titres, il arrive fréquemment qu’il y ait une rupture de la continuité, parfois de quelques jours seulement, souvent du fait des préfectures qui tardent à fixer un rendez-vous ou délivrer le bon document.

Du strict point de vue du droit, cela remet les compteurs à zéro. Les administrations sociales ne font pas toujours preuve de bienveillance à cet égard. L’étranger se trouve alors irrémédiablement pénalisé.

Avec ces amendements, on s’oriente vers l’exclusion de nombreuses personnes étrangères résidant régulièrement en France.

Les amendements parlent de « cinq ans de résidence stable et régulière » : cela recouvre l’antériorité du titre de séjour ?

A. M. : Oui. Aujourd’hui, il y a déjà une condition de résidence stable et régulière pour l’accès à ces prestations. Donc c’est bien l’antériorité du titre de séjour qui va devenir le critère déterminant permettant de départager entre les étrangers en situation régulière ceux qui y auront droit et ceux qui en seront exclus.

Comment cette condition d’antériorité de titre de séjour s’est-elle imposée de nouveau ?

A. M. : Paradoxalement, elle a été introduite comme un progrès dans les années 1980. En 1988, lors du vote de la loi sur le Revenu minimum d’insertion (RMI, ancêtre du RSA), on décide de ne pas en exclure les étrangers et de l’attribuer à ceux disposant de la carte de résident de dix ans, qui avait alors vocation à être délivrée à tous les étrangers destinés à résider de manière durable en France, donc hors saisonniers, étudiants, touristes...

Mais il y avait loin de la théorie à la réalité. Dans ce contexte, le gouvernement dépose un amendement qui élargit l’accès au RMI à tous les étrangers en situation régulière depuis plus de trois ans. L’idée était de couvrir aussi les étrangers qui devraient avoir la carte de dix ans mais ne l’avaient pas.

Depuis, la condition d’antériorité de titre de séjour n’a cessé d’être étendue ?

A. M. : Les problèmes ont rapidement surgi. Nombre d’étrangers ont été exclus du RMI, car ils ne remplissaient pas la condition des trois ans, d’autant plus que la carte de résident a été attribuée de façon de plus en plus parcimonieuse au fur et à mesure des réformes restrictives.

Et par la suite, cette condition a été durcie. En 2004, la première loi Sarkozy sur l’immigration fait passer cette condition de séjour régulier de trois à cinq ans.

En 2006, cette condition de cinq ans est étendue au minimum invalidité et au minimum vieillesse.

En 2008-2009, lors de la transformation du RMI en RSA, une nouvelle condition est introduite pour le conjoint, à l’initiative de Martin Hirsch, alors Haut-commissaire aux solidarités actives. Désormais, pour qu’un ménage touche le RSA, le conjoint aussi doit remplir la condition de cinq ans. Sinon, le montant sera calculé pour le seul étranger présent depuis plus de cinq ans. Auparavant, seule la condition de régularité s’appliquait au conjoint. La condition d’antériorité de titre de séjour concerne aussi la prime d’activité.

A Mayotte, le RSA est introduit en 2012, mais avec une condition d’antériorité de titre de séjour autorisant à travailler de… 15 ans pour les étrangers

En 2011, le ministre de la Santé Xavier Bertrand introduit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 un amendement qui fait passer de cinq à dix ans la condition d’antériorité de titre de séjour pour le minimum invalidité et le minimum vieillesse.

A Mayotte, le RSA est introduit en 2012, mais avec une condition d’antériorité de titre de séjour autorisant à travailler de… 15 ans pour les étrangers. Cette condition s’applique aussi pour l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse. Autant dire qu’aucun étranger ne perçoit ces prestations à Mayotte.

En Guyane, l’accès au RSA pour les étrangers est lui aussi soumis à une condition de cinq ans, que le gouvernement a essayé d’étendre en 2018 à 15 ans, mais le Conseil constitutionnel y a fait obstacle.

Récapitulons. Il y a déjà de fortes conditions sur l’accès à certaines prestations sociales pour les étrangers en situation régulière en France...

A. M. : En métropole, il faut une antériorité de titre de séjour autorisant à travailler de cinq ans pour le RSA et la prime d’activité, et de dix ans pour le minimum vieillesse et le minimum invalidité. A Mayotte, cette condition est de quinze ans, et concerne aussi l’allocation adulte handicapé.

Pensez-vous que l’Assemblée nationale va conserver cette extension à ces nombreuses autres prestations ?

A. M. : J’espère que les amendements adoptés au Sénat seront remis en cause par les députés. Le fait même qu’ils aient pu être adoptés est d’ores et déjà extrêmement inquiétant. Les digues ont sauté depuis plusieurs années déjà et nous le voyons un peu plus chaque jour. Nous devons réagir.

Propos recueillis par Céline Mouzon







Alertes sur les menaces contre le DASEM et AME
(droit au séjour pour raison de santé - "étrangers malades") au moment du projet de cette loi.



Nous, femmes et hommes des professions de la santé, du social, du soin et de la recherche souhaitons placer le Président de la République et son gouvernement devant leur immense responsabilité et alerter l’ensemble de nos concitoyens sur les conséquences sanitaires et sociales du vote de la loi immigration du 19 décembre. Cela notamment pour que tous les responsables et ministres prennent la mesure, comme l’a fait courageusement Aurélien Rousseau, des effets dramatiques de leurs décisions.

Rappelons en premier lieu les principes fondamentaux de notre République, énoncés dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" et "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme". Ces droits incluent le droit à la santé, « état de complet bien-être physique, mental », selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé, ce qui suppose des conditions de vie dignes.

Pour le monde entier, la France est non seulement le pays des droits de l’Homme mais aussi celui des French Doctors et d’une médecine performante et humanitaire, présente partout au chevet des populations malades et victimes des guerres et des crises. Notre système de santé et notre sécurité sociale universelle ont permis d’offrir, durant des décennies, des soins de grande qualité accessibles à tous. La loi immigration remet gravement en cause notre modèle de santé humaniste, et pas seulement du fait des menaces qui planent encore sur l’Aide Médicale d’État (AME).

Nous tenons à dire d’abord Les conséquences des mesures annoncées pour la santé des plus vulnérables, les enfants. Conformément aux alertes de l’UNICEF (1), le texte voté à l’Assemblée nationale est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant protégeant la vie familiale et garantissant le principe de non-séparation du fait de plusieurs mesures :  limitation du regroupement familial, complication  des démarches administratives nécessaires pour les mineurs isolés protégés par l’Aide sociale à l’enfance, limitation des hébergements d’urgence, et menaces sur les soins en cas de restriction de l’AME. De manière concrète, les aides deviennent conditionnées à la reconnaissance d’un travail et même dans ce cas leur attribution sera retardée. La perte des allocations familiales et les mesures de restriction de l’aide au logement pour les personnes sans emploi ou travaillant de manière informelle signifie donc qu’elles ne bénéficieront d’aucune aide notamment pour élever leurs enfants ou se loger. On peut redouter alors une dégradation intolérable de la mortalité infantile, qui s'est déjà accrue depuis dix ans en France et est devenue supérieure à celle de nos voisins Européens (2), du fait des inégalités sociales notamment.

De façon générale, les restrictions sur le logement pour les immigrants en situation irrégulière menacent de les marginaliser davantage, les forçant à vivre dans des conditions précaires et insalubres. Ces environnements peuvent avoir des effets dévastateurs sur leur santé physique et mentale, augmentant le risque de maladies et d'isolement social. L’absence de logement personnel expose aussi à la rue et/ou à des situations de vulnérabilités sexuelles exposant à des violences et à l’infection par le VIH.
La suspension de la prise en charge médicale pour les demandeurs d'asile déboutés et les restrictions du titre de séjour pour maladie grave sont des décisions alarmantes. Le risque est non seulement d’augmenter les urgences médicales mais aussi d’assister à la propagation de maladies infectieuses, mettant en danger la santé publique dans son ensemble. Nous insistons sur le fait que la santé est un droit universel, indépendamment du statut administratif.

Les restrictions imposées dans ce texte concerneraient notamment les personnes exerçant dans les champs de la santé. Il faut rappeler que 25% des médecins exerçant à l’hôpital aujourd’hui sont des « praticiens à diplôme hors Union européenne » (PADHUE). Des facilitations sont prévues pour les médecins et les soignants, considérés comme des métiers en tension, mais leurs statuts demeurent très précaires et sous-valorisés. Mais comment concevoir humainement que l’on attire en France des médecins, au détriment de leurs pays d’origines, tout en refusant de soigner les malades de ces mêmes pays ? De même, la restriction du droit d’étudier en France, au travers notamment du versement d’une « caution » imposée aux étudiants étrangers en France heurte gravement notre tradition d’accueil et de formation, en particulier en médecine et en santé. Elle contribuera à restreindre l’attractivité de la France et à nous priver d’étudiants brillants, qui sont beaucoup des talents de la France d’aujourd’hui.
Dans quel type de société souhaitons-nous vivre ? Une société qui met en péril la santé et les droits des plus vulnérables ?

Nous appelons à la mobilisation de l'opinion publique pour défendre la santé et le bien-être intégral de chaque individu. Nous demandons solennellement au Président de la République de ne pas promulguer cette loi, comme la Constitution l’y autorise, et en cohérence avec les engagements internationaux de la France en matière de droits de l'homme et de santé publique. C'est notre devoir en tant que médecins, c'est notre engagement en tant que citoyen. Nous réitérons également notre appel au maintien de l’Aide médicale de l’état, sans restriction et assortie de mesures de réduction des barrières à son accès.

Premiers signataires:

Dr Julie CHASTANG, médecin généraliste à Champigny, MCU à Sorbonne Université, et Secrétaire générale de l’Union syndicale des médecins de centre de santé; Pr Antoine PELISSOLO, chef de service de psychiatrie au CHU Henri-Mondor, Créteil, et secrétaire national du Parti socialiste; Pr Nicolas VIGNIER, infectiologue à l'hôpital Avicenne, Bobigny, coordinateur du groupe Migrants et populations vulnérables de la SPILF et de la SFLS; Pr Christèle GRAS-LE GUEN, pédiatre au CHU de Nantes, cheffe de pôle, Société française de pédiatrie; Hada SOUMARE, infirmière en pratique avancée Asalée, Saint Denis; Pr Françoise BARRE-SINOUSSI, virologue, Prix Nobel 2008 de Physiologie ou Médecine, présidente de Sidaction; Sarah DEGIOVANI-PASQUIER, orthophoniste, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes; Dr Pierre SUESSER, pédiatre, co-président du Syndicat national des médecins de PMI; Dr Remi LAPORTE, médecin, Coordination nationale des PASS, Marseille; Dr Florie SULLEROT, interne en médecine générale, présidente de l’ISNAR IMG

(1)    https://www.unicef.fr/article/projet-de-loi-immigration-et-integration-quel-impact-sur-les-enfants/
(2)    https://www.insee.fr/fr/statistiques/7627069



Une lettre ouverte de 9 associations (MdM, Cimade, Comede, AIDES, Sidaction, France Assos Santé, Fédération des acteurs de la solidarité, Uniopss, FTDA) pour interpeller le Président Macron sur le DASEM : en PJ ou ci-dessous. N’hésitez pas à le relayer publiquement dans vos réseaux – vous pouvez notamment vous appuyer sur les tweets de MDM et de Sidaction

https://www.sidaction.org/sites/default/files/courrier_presidence_de_la_republique_-_alerte_droit_au_sejour_pour_soins.pdf


A Paris, le 8 décembre 2023

 

Monsieur le Président de la République,

 

Nos organisations vous demandent de vous opposer à une nouvelle restriction du droit au séjour pour raison médicale. Ce droit protège les étrangers gravement malades qui vivent en France et ne peuvent pas accéder aux soins dans leur pays d’origine en leur permettant de solliciter un titre de séjour pour se soigner.

 

Supprimée par le Sénat, puis rétablie par la commission des lois de l’Assemblée nationale, l’aide médicale de l’Etat (AME) a largement occupé l’espace politique et médiatique. Or les enjeux de santé contenus dans le Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ne se résument pas à ce seul dispositif. Le Sénat a également introduit une restriction de l’admission au séjour pour soins, qui ne figurait pas dans le texte initial du gouvernement. Passée presque inaperçue, cette mesure a été entérinée par la commission des lois de l’Assemblée nationale avec des amendements à la marge. Si elle est adoptée en séance publique, elle signerait la fin du droit au séjour « étranger malade », aujourd’hui strictement encadré et déjà difficile à faire valoir.

 

Contrairement à ce qui a pu être soutenu lors des débats, le droit au séjour pour raison médicale n’est pas dévoyé. Il s’agit d’un dispositif clair et maîtrisé, réservé aux personnes étrangères gravement malades qui résident déjà en France, et qui seraient privées du « bénéfice effectif d’un traitement approprié » en cas de retour dans leur pays d’origine. Il concerne en grande majorité des personnes qui ont découvert leur pathologie après leur arrivée en France, et leur permet d’avoir accès aux soins dans des conditions de vie stables, essentielles pour se soigner. Protégeant de l’expulsion vers un pays où il n’est pas possible d’être soigné, il évite ainsi la survenue de graves complications ou handicaps, et la mort prématurée. Constant, il représente seulement 0,6% de l’ensemble des titres de séjour délivrés, permettant aujourd’hui à 30 000 personnes étrangères gravement malades d’avoir un titre de séjour.

 

En remplaçant la notion « d’effectivité du soin » dans le pays d’origine par celle de « disponibilité de traitement », le projet de loi vide ce droit de sa substance. Une telle modification est loin d’être purement sémantique. La disponibilité d’un traitement dans un pays ne garantit en rien que la personne malade puisse y avoir effectivement accès. Il faut prendre en compte les difficultés d’accès aux soins liés à l’état des structures sanitaires du pays, l’offre quantitative de soins et leur couverture territoriale, le coût des traitements et l’existence ou non de couverture maladie permettant une prise en charge financière, le manque de personnel médical et les ruptures fréquentes de stocks, ou encore d’éventuelles situations de discriminations. Beaucoup de malades atteints de pathologies mettant en jeu leur pronostic vital ne peuvent recevoir les traitements pourtant réputés disponibles dans leur pays parce qu’ils sont trop rares, trop chers ou demandent des suivis trop complexes. L’ajout de la prise en compte par les autorités administratives de « circonstances exceptionnelles » est au mieux inutile, puisque la loi permet déjà d’évoquer ces motifs. Au pire, elle constitue une atteinte sans précédent au secret médical, incitant les personnes malades à invoquer leur état de santé auprès du préfet pour solliciter une régularisation.

 

Alors que vous souhaitez conforter la position de la France comme cheffe de file de la santé mondiale, l’adoption de cette loi conduirait à mettre en danger la vie de milliers de personnes gravement malades résidant dans notre pays parfois depuis longtemps. Elle conduirait à deux situations tout aussi dramatiques : certaines personnes repartiraient ou seraient renvoyées dans leur pays d’origine, malgré le risque de mort à plus ou moins brève échéance ; d’autres seraient contraintes de se maintenir sur le territoire en situation de grande précarité, dans une insécurité administrative préjudiciable à un suivi médical approprié. Le non-recours aux soins et la prise en charge tardive entraîneraient des complications et des surcoûts hospitaliers.

 

Le droit au séjour pour soins n’est pas une variable d’ajustement migratoire : c’est la base d’une politique de santé publique efficace, derrière laquelle se joue la survie de personnes malades. Nos organisations vous appellent, Monsieur le Président de la République, à préserver ce droit et à rejeter tout recul dans la protection des personnes étrangères malades.

 

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération,

 

Signataires :

Pascal Brice, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité

Pr Françoise Barré-Sinoussi, Présidente de Sidaction

Pr Didier Fassin, Président du Comede

Daniel Goldberg, Président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Henry Masson, Président de la Cimade

Gérard Raymond, Président de France Assos Santé

Dr Florence Rigal, Présidente de Médecins du Monde

Camille Spire, Présidente de AIDES

Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de France Terre d’Asile

 

Une lettre ouverte de 7 sociétés savantes et plus de 1300 soignantes et scientifiques pour la préservation du droit au séjour pour soins publiée dans L’Express dimanche matin (à retrouver sur le tweeter de la SFLS ou par ici avec les députés en tag
 




Alerte: A l’occasion du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, Médecins du Monde, Sidaction, AIDES et la SFLS publient un communiqué de presse pour alerter sur les menaces qui pèsent sur les personnes étrangères séropositives avec l’adoption de mesures de restrictions du droit au séjour pour soins par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

 

Loi immigration : la santé des personnes étrangères séropositives est en danger

 

Paris, le 1er décembre 2023.

 

Lors de l’examen du projet de loi immigration, la commission des lois de l’Assemblée nationale a restreint le droit au séjour pour raison médicale. Passée presque inaperçue, cette disposition, si elle est ensuite adoptée en séance publique, signerait pourtant la fin du droit au séjour pour les étranger·es gravement malades en France, dont un nombre important vit avec le VIH. A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, nos organisations alertent le président, le gouvernement et les parlementaires sur la gravité de ces mesures aux conséquences mortifères.

Supprimée par le Sénat, puis rétablie par l’Assemblée nationale, l’aide médicale d’Etat a largement capté l’attention médiatique. Or les enjeux de santé autour du projet de loi immigration ne se résument pas à ce seul dispositif. Un coup fatal a été porté au droit au séjour pour soins. Ce dernier n’est pas une variable d’ajustement migratoire : c’est la base d’une politique de santé publique efficace, derrière laquelle se joue la survie de milliers de personnes malades. Il concerne 0,6 % de l’ensemble des titres de séjour et permet aujourd’hui à 30 000 personnes étrangères gravement malades d’avoir un titre de séjour, une condition essentielle pour se soigner. Cela vaut pour le VIH, comme pour d’autres affections graves.

Un mot, des morts

Le titre de séjour pour soins est réservé aux personnes étrangères gravement malades qui résident déjà en France, et qui seraient privées du « bénéfice effectif d’un traitement approprié » en cas de retour dans leur pays d’origine. En remplaçant la condition « d’effectivité du soin » par celle « de disponibilité de traitement », l’article 1er du projet de loi immigration vide le droit au séjour pour soins de sa substance. La disponibilité d’un traitement dans un pays ne garantit en rien que la personne malade y accède. Il faut prendre en compte les difficultés d’accès aux soins liés au coût des traitements, à l’existence ou non de couverture maladie, à l’état des structures sanitaires du pays, à l’éloignement des lieux de soins, ou encore à d’éventuelles situations de discriminations. « Cette modification sémantique aura un effet réel : le renvoi de personnes gravement malades dans leur pays d’origine, et ce malgré un risque de mort », alerte Dr Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde

 

Une mesure contraire à la politique de lutte contre le sida

Alors que le président de la République veut affirmer le leadership mondial de la France dans la lutte contre le sida, l’adoption de cette loi conduirait à mettre en danger la vie de milliers de personnes vivant avec le VIH. « En reculant sur l’AME, les députés ont entendu la nécessité de préserver l’hôpital public déjà éprouvé. Pourquoi s’obstiner avec cette mesure qui va limiter les possibilités d’accompagnement et de prise en charge de personnes souffrant d’affections graves ? », s’inquiète Dr Hugues Cordel, président de la Société Française de Lutte contre le Sida. Le non-recours et la prise en charge tardive entraîneront des complications et des surcoûts hospitaliers, en contradiction profonde avec les programmes et objectifs de santé publique en matière de lutte contre le VIH. « Le risque d’interruptions de traitement et de remontée de charge virale augmentera le risque de transmission, entraînant une dégradation de la santé des personnes et de la santé publique », s’alarme également Florence Thune, directrice de Sidaction.

A la fin des années 1990, le droit au séjour et la protection contre l’éloignement des étranger·es gravement malades a été inscrit dans la loi grâce à la mobilisation associative et citoyenne contre le sida. Plus de 25 ans après, nos organisations appellent le président de la République, le gouvernement et les parlementaires à préserver ces acquis, dont les restrictions ne figuraient pas dans le texte initial du projet de loi immigration.

 

Signataires :

  • AIDES
  • Médecins du Monde
  • Sidaction
  • Société Française de Lutte contre le Sida

 

Contacts presse :






Lettre ouverte pour la sauvegarde du droit au séjour pour raisons de santé

Le 28 novembre 2023 lors de la discussion du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », la commission des lois de l’Assemblée Nationale a notamment adopté les articles 1er E et 1er F, votés par le Sénat et quimodifient l’accès au titre de séjour pour soins délivré aux étrangers malades. Ces articles visent à retreindre drastiquement les possibilités d’obtention d’un titre de séjour temporaire pour les étrangers malades, résidant habituellement en France et nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité.  Il est utile de rappeler que le nombre de titres de séjour pour soins est faible et a drastiquement diminué depuis 2016. Cela concernait moins de 4000 (<2%) nouveaux titres de séjour chaque année (source : MI - DSED - 26 janvier 2023). Ils bénéficient principalement à des personnes vivant avec le VIH/sida, une hépatite, une tuberculose maladie, une maladie psychiatrique sévère, un diabète insulinorequérant, un cancer ou encore une insuffisance rénale sévère.

La législation actuelle dispose que « L’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention «  vie privée et familiale »  d’une durée d’un an ». Le projet de loi immigration propose de modifier la clause restrictive ci-dessus par les formulations suivantes : « sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et que cette prise en charge ne soit pas supportée par l’assurance maladie » et « Les conséquences d’une exceptionnelle gravité, au sens du premier alinéa du présent article, s’apprécient compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou l’altération significative de l’une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. »

L’efficacité d’un traitement ne dépend pas seulement de la présence sur le marché d’un médicament. La disponibilité effective de médicaments, leur accessibilité, la régularité de leur distribution et leur soutenabilité constituent des facteurs essentiels pour garantir l’efficacité des traitements prescrits et aussi prévenir l’émergence d’infections multi-résistantes. Restreindre les conséquences d’une exceptionnelle gravité aux pathologies graves à court-terme va par ailleurs totalement à l’encontre de la prévention des complications des pathologies sévères en absence de surveillance. C’est le cas par exemple des complications à long terme du diabète ou de l’insuffisance cardiaque. Il en est de même en cas d’absence de suivi pour une pathologie psychiatrique sévère, pour une insuffisance rénale ou encore pour une infection par le VIH ou une tuberculose.
En tant que professionnel-le-s de la santé, nous considérons que la redéfinition restrictive des conditions d’obtention d’un titre de séjour pour les étrangers gravement malades, résidant habituellement en France, constitue unerégression, lourde de conséquences pour les patients, pour la santé publique et pour les finances de l’Etat.

Ethiquement contestables, les articles 1er E et 1er F contribueront surtout à dégrader l’accès aux soins des plus précaires, à accroître les risques d’exposition et de contamination de la population à des pathologies graves ou contagieuses, et, in fine, à augmenter les coûts de fonctionnement des hôpitaux. La nouvelle législation, si elle est adoptée, aura pour conséquence de rejeter dans l’irrégularité du séjour nombre de patients et par ricochet entrainer la perte de leur emploi, de leur logement et de leurs éventuelles prestations de compensation du handicap. Leur recours aux soins sera dès lors plus tardif et leur maintien dans le soin moins régulier. Ces patients présenteront donc des pathologies plus évoluées, nécessitant des traitements plus lourds et plus coûteux. En fait, le durcissement de la législation aurait surtout pour effet comptable de reporter sur l’Aide Médicale de l’Etat et sur les budgets des services hospitaliers, la prise en charge de ces personnes malades.

Pour ces trois raisons (éthique, sanitaire et financière), l’adoption des articles 1er E et 1er F du projet de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » aura des conséquences néfastes. Nous demandons donc le rejet de ces articles, le retour sur les restrictions qui lui ont été ajoutée et de garantir la garantie d’un dispositif dont les effets sanitaires profitent à l’ensemble de la population, en France.

Premiers signataires: Dr Nathalie De Castro, infectiologue, Paris; Matthieu Lafaurie, infectiologue, Paris; Pr Nicolas Vignier, infectiologue, Bobigny; Dr Hugues Cordel, président de la Société française de lutte contre le Sida, Dr Bernard Castan, président de Société de pathologie infectieuse de langue française; Pr François Vrtovsnik, président de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation; Pr Anne Barlier, présidente de la Société française d'endocrinologie; ...



D- AME (aide médicale d'état) et droit des étrangers malades:
 quelques liens et articles ci-dessous sur les débats liés à l'AME, (suppression abandonnée par la commission des lois de l'AN: raisons diverses dont "cavalier législatif"
).

Ce à quoi on peut s'attendre dans une réforme par voie réglementaire annoncée par le gouvernement ATTAL (mot de février 2024)



Voici deux articles utiles sur l'AME, très instructifs:

L’aide médicale d’État en sursis - Lola Isidro et Caroline Izambert

https://journals.openedition.org/revdh/19426

qui indique entre autre les propositions du rapport EVIN-STEFANINI (et leurs contradictions) (introduction de l'article copié ci-dessous):

 

L’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière en France. Une analyse critique des projets de réforme de l’aide médicale de l’État

https://www.jean-jaures.org/publication/lacces-aux-soins-des-etrangers-en-situation-irreguliere-en-france-une-analyse-critique-des-projets-de-reforme-de-laide-medicale-de-letat/

article copié après le premier, encore plus bas dans le message:

 

L’aide médicale d’État en sursis

Par Lola Isidro et Caroline Izambert

Actualités Droits-Libertés du 9 février 2024 - CREDOF – Revue des droits de l’Homme
Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux 
Université Paris Nanterre

Accusée d’alimenter l’immigration irrégulière et de grever les finances publiques, l’aide médicale d’État est périodiquement prise pour cible. Dans le cadre des débats relatifs à la loi « immigration », finalement promulguée le 26 janvier 2024, le Sénat avait entendu la supprimer et la remplacer par une aide médicale d’urgence, mesure écartée par le Gouvernement qui s’est néanmoins engagé à la réformer en 2024. L’aide médicale d’État, dispositif essentiel à la protection de la santé individuelle et publique, est plus que jamais en sursis.

Dès mai 2023, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, annonçait dans la presse son intention de réformer l’aide médicale d’État (AME), le dispositif permettant la prise en charge des soins des personnes étrangères démunies en situation irrégulière résidentes sur le sol français. Quelques mois plus tard, le même Gérald Darmanin qualifie de « cavalier législatif évident » la suppression de l’AME par le Sénat et son remplacement par une aide médicale d’urgence dans le projet de loi « immigration », tout en renvoyant à une réforme à une échéance ultérieure. L’AME est à l’évidence malmenée.

Datant de la loi « Couverture maladie universelle (CMU) » du 27 juillet 1999, l’AME est une prestation sociale d’exception : elle a pour seul public les étrangers en situation irrégulière, alors exclus de l’assurance maladie sur critère de résidence (« la CMU ») et de la CMU complémentaire (CMU-C), du fait du critère de régularité de séjour. Celui-ci conditionne en effet le bénéfice des prestations sociales pour les étrangers depuis la loi du 13 août 1993 « relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France ».

Depuis sa création, l’AME est régulièrement prise pour cible par les parlementaires positionnés le plus à droite à l’occasion de la discussion annuelle de son budget dans le cadre du projet de loi de finances. En novembre 2023, c’est dans le cadre des débats relatifs au projet de loi « immigration » que le Sénat vote sa suppression pour la remplacer par un seul accès aux soins urgents. Cette mesure suscite une forte contestation : 3 000 soignants appellent au maintien de l’AME en soulignant, entre autres, la mise en péril du système de santé. « Nous, soignants du terrain, écrivent-ils, sommes extrêmement préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie. Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités ».

Alors que la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » adoptée le 19 décembre renforçait, dans sa version soumise au Conseil constitutionnel, la soumission des dispositifs de protection sociale aux objectifs de lutte contre l’immigration, notamment concernant l’accès aux prestations familiales pour les étrangers en situation régulière, il est à craindre que la réforme annoncée de l’AME approfondisse la subordination de la protection sociale aux objectifs de la politique migratoire, au mépris des buts originels de ce dispositif, en l’occurrence la préservation de la santé individuelle et publique.

Lire la suite de la Lettre sur le site de la Revue des droits de l’Homme

(Lien : https://journals.openedition.org/revdh/19426)

Pour citer ce document : Lola Isidro et Caroline Izambert, « L'aide médicale d'État en sursis », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 9 février 2024.



 

https://www.jean-jaures.org/publication/lacces-aux-soins-des-etrangers-en-situation-irreguliere-en-france-une-analyse-critique-des-projets-de-reforme-de-laide-medicale-de-letat/

L’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière en France. Une analyse critique des projets de réforme de l’aide médicale de l’État

Jean-Marie André

08/02/2024

 
Lors du débat sur la loi immigration votée en décembre 2023, la question de l’Aide médicale de l’État pour les étrangers en situation irrégulière a été régulièrement soulevée. Pourtant, Jean-Marie André, économiste à l’École des hautes études en santé publique (CNRS UMR 6051 ARENES) démontre qu’elle représente un montant modeste par rapport à la dépense de santé couverte par la Sécurité sociale, surtout au regard des multiples risques que sa suppression feraient courir. Des pistes d’amélioration sont toutefois envisageables.

Retour sur l’histoire de l’AME

Le droit universel aux soins est un droit établi de longue date par les normes juridiques internationales. En 1946, la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dispose que la santé « constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme dans son article 25, alinéa 1, précise que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille […] elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».

Cette même année la France reconnaît également ce droit à travers le 11e alinéa du préambule de la Constitution : « La nation garantit à tous et notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Force est de reconnaître que ces grands principes humanistes ne se traduisent pas véritablement dans les faits, et que certains acquis historiques sont aujourd’hui très fortement remis en cause.

En France, les étrangers sans papiers sont exclus du droit commun défini par la protection universelle maladie (PUMA) et font l’objet d’un dispositif spécifique, l’aide médicale de l’État (AME). Appliquée depuis 2000, cette aide a toujours donné lieu à de vives critiques et, disons-le, des fantasmes, même si elle présente un certain nombre de restrictions vis-à-vis des droits et de l’accès effectif aux soins par rapport à ce qui est accordé aux assurés sociaux.

Ces attaques s’appuient sur des arguments bien connus, qui convoquent tout à la fois le caractère infondé d’une prise en charge qui inclut certains soins jugés « de confort », la non-maîtrise de la dépense et son coût pour la collectivité, la légitimité d’une prestation qui s’adresse à des populations qui ne respectent pas les conditions requises pour séjourner sur le territoire français et qui, facteur aggravant, ne contribuent pas à son financement.

À tout cela s’ajoute la suspicion de venir profiter d’un système social favorable en usant parfois de la fraude.

Ces critiques ont donné lieu au fil du temps à divers aménagements destinés à durcir les conditions d’accueil comme, en 2011, le paiement d’un forfait annuel de 30 euros pour les personnes majeures (supprimé à l’été 2012) et, en 2020, la création d’un délai de prise en charge de neuf mois pour certains soins et traitements non urgents. Les crispations politiques ont atteint un degré supplémentaire ces derniers mois à l’occasion des débats parlementaires liés à la préparation de la loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » votée le 19 décembre 2023.

Ces débats ont donné lieu à des propositions visant la suppression de cette prestation et son remplacement par une aide médicale d’urgence (AMU), destinée à couvrir uniquement les maladies graves, les douleurs aiguës et certains soins complémentaires comme le suivi des grossesses.

L’AME étant supposée créer un « appel d’air » favorable à l’entrée irrégulière sur le sol français, cette transformation est apparue aux yeux de ses défenseurs comme très cohérente vis-à-vis de l’objectif de contrôle de l’immigration prévu dans la loi. L’amendement rédigé dans ce sens a recueilli une large majorité au Sénat le 7 novembre 2023, avec 200 voix pour et 136 contre. Finalement, la suppression de cette aide n’a pas été retenue dans le texte final, mais la Première ministre s’est engagée auprès du président du Sénat à relancer, début 2024, la réflexion sur l’évolution de la prestation.

Le dossier n’est donc pas clos, et deux options restent ouvertes à court ou moyen terme pour cette réforme : l’évolution vers une aide médicale d’urgence, comme cela vient d’être précisé, ou l’adaptation de l’AME actuelle, qui pourrait s’appuyer sur certaines préconisations formulées par Claude Evin et Patrick Stéfanini dans un rapport remis en décembre 2023 à la demande du gouvernement. Précisons dès à présent que ce rapport n’apparaît pas favorable à l’AMU et plaide pour des évolutions destinées à renforcer la confiance dans le fonctionnement de l’AME et l’efficience des soins1.

Dans ce contexte, il apparaît intéressant de faire le point :

sur les grandes caractéristiques de l’AME telle qu’elle fonctionne actuellement,

sur la population concernée,

sur son coût pour la collectivité,

et sur les effets produits.

Ces éléments permettent de poser un certain nombre d’interrogations sur la validité des critiques exprimées, d’interroger la pertinence des réformes envisagées, mais aussi d’explorer une autre voie possible qui, certes, n’entre pas dans l’agenda politique actuel, mais qui apparaît mieux en écho avec le principe constitutionnel d’égalité d’accès à la protection sociale.

Les chiffres de l’AME

L’AME s’insère dans l’effort national de protection sociale qui représente, en 2022 et pour l’ensemble des six grands risques couverts, 34,2% du PIB2. La France se situe au premier rang des pays de l’Union européenne pour cet indicateur et au cinquième rang si l’on considère le montant des prestations en euros par habitant en parité de pouvoir d’achat. Dans cet ensemble, la part consacrée à la santé représente 37,4%. 

Pour ce qui concerne plus précisément la consommation de soins et biens médicaux (CSBM), qui s’élève à 235,8 milliards d’euros en 2022, l’intervention publique prend en charge 80,2% de la dépense. L’assurance maladie obligatoire constitue l’acteur majeur de ce financement. Les dépenses liées à ses affiliés représentent en effet 78,2%. Les 2% restants correspondent pour l’essentiel à des prestations de redistribution verticale, c’est-à-dire des prestations qui donnent lieu à des transferts qui s’opèrent des catégories les plus aisées vers les plus pauvres. Elles se composent de la complémentaire santé solidaire (CSS, mise en place en 2019 en remplacement de la CMU) et de l’AME.

Cette dernière, comme son nom le laisse entendre, fait l’objet d’un financement par l’État et non par la Sécurité sociale, qui en assure cependant la gestion. En 2022, ces deux prestations représentaient respectivement 1,7% et 0,5% de l’intervention publique. En valeur, la dépense occasionnée par l’AME s’élevait à 968 millions d’euros.

L’AME est entrée en vigueur au début de l’année 2000, dans le cadre de la politique de lutte contre les exclusions. Elle concerne les personnes étrangères en situation irrégulière présentes sur le sol français depuis plus de trois mois et qui peuvent apporter la preuve d’une domiciliation. En 2024, les ressources doivent être inférieures à 9 718 euros par an pour une personne seule. Ce plafond est identique à celui de la complémentaire santé solidaire non contributive (CSS-NC). Les personnes à charge peuvent également bénéficier de l’AME (conjoint et enfants), de même que les enfants de moins de 18 ans dont les parents sont en situation irrégulière et non éligibles à la prestation.

Un autre dispositif existait avant 1993 : l’aide médicale départementale. Cette prestation visait à fournir, sous conditions de revenu, une couverture sociale à toute la population en situation de pauvreté. Il est important de noter que la régularité du séjour n’était pas une condition exigée jusqu’à cette date. C’est la loi du 24 août 1993, dite « loi Pasqua », relative à la maîtrise de l’immigration, qui a créé une distinction entre d’un côté les étrangers en situation régulière, qui pouvaient continuer de bénéficier de l’aide médicale au même titre que la population nationale, et de l’autre les étrangers sans titre de séjour, qui ne pouvaient recevoir cette aide qu’à la condition d’être présents sur le territoire depuis au moins trois ans. La mise en place du nouveau dispositif a ainsi privé un certain nombre d’étrangers d’une couverture santé durant quelques années.

L’instauration de la couverture maladie universelle (CMU) en 1999, dans la ligne de la réforme de 1993, a exclu les personnes en situation irrégulière de la nouvelle prestation. C’est à partir du 1er janvier 2000, avec la mise en place de l’AME, qu’elles ont été isolées dans un cadre spécifique de protection sociale.

L’AME prend en charge à 100% les soins médicaux liés à la maladie et à la maternité, dans les limites tarifaires dites « de responsabilité » retenues par la Sécurité sociale. Il n’y a aucune avance de frais. Certaines prestations sont cependant exclues du panier de biens et services qui prévaut pour le régime commun : les cures thermales, la procréation médicalement assistée et certains médicaments à faible service médical rendu, ordinairement remboursés à 15%.

De plus, et ceci est un point important, à la différence de la CSS, il n’existe pas de forfaits supplémentaires pour l’optique et le dentaire, de sorte que la prise en charge réelle est très faible pour ces dépenses : pour une monture de lunettes pour les plus de 18 ans, le montant est par exemple limité à 2,84 euros.

Tous les professionnels de santé sont dans l’obligation d’accueillir les bénéficiaires de l’AME. Les droits sont ouverts pour une durée d’un an renouvelable et, depuis 2020, certains soins non urgents font l’objet d’un délai de carence de neuf mois. Enfin, le dispositif du médecin traitant ne s’applique pas, et les bénéficiaires ne sont pas concernés par les campagnes nationales de dépistage des maladies.

Pour les étrangers en situation irrégulière qui n’ont pas déposé de demande, ou qui ne justifient pas de la durée de séjour minimale, ou dont le dossier a été refusé, il existe un dispositif dérogatoire destiné, dans l’environnement hospitalier, à la prise en charge des soins urgents, c’est-à-dire ceux dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître. Les soins qui sont destinés à éviter la propagation d’une maladie (comme la tuberculose), les interruptions de grossesse et les soins aux mineurs sont également concernés. En 2022, ces soins urgents représentaient 9% des sommes consacrées à l’AME.

Enfin, de façon plus marginale, pour les personnes étrangères ne résidant pas en France mais présentes sur le sol national depuis moins de trois mois qui ont des besoins de soins qui ne peuvent pas être donnés dans leur pays d’origine, il existe une AME à titre humanitaire (AMEH) dont l’instruction relève du ministère de la Santé, et non de la Sécurité sociale. Peu de dossiers sont acceptés chaque année et la dépense est de l’ordre de 0,5 million d’euros.

Les chiffres du non-recours à l’AME

Le rapport Evin-Stefanini présente un certain nombre de données très actualisées sur les populations concernées par l’AME. On compte 423 000 bénéficiaires fin 2023, et il apparaît que les effectifs ont augmenté de 39% entre fin 2015 et mi 2023. Mais il faut noter qu’environ 25% des bénéficiaires sont des mineurs de nationalité étrangère qui ne sont donc pas juridiquement des étrangers en situation irrégulière. Si l’on prend seulement en compte les bénéficiaires sans titre de séjour, la progression sur la même période s’établit à 30%.

La répartition n’est pas uniforme sur le territoire, et il existe une forte concentration dans les régions les plus urbanisées. L’Île-de-France, les départements du Nord, du Rhône, des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes rassemblent ainsi 55% des bénéficiaires de la métropole. De leur côté, les régions de l’Outre-mer regroupent 10,5% des bénéficiaires, dont 9% pour la seule Guyane qui, en raison de ses frontières terrestres avec le Brésil et le Surinam, accueille une proportion plus importante d’étrangers sans titre de séjour.

Il est par définition difficile d’évaluer le nombre d’étrangers en situation irrégulière, et plus précisément le nombre de personnes éligibles à l’AME. Mais il apparaît néanmoins qu’à l’instar d’autres prestations sociales de redistribution verticale, le non-recours est très significatif.

Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) de 2019, basée sur un panel observé à Paris et dans l’agglomération bordelaise, faisait état d’un taux de non recours de 49%3. Cette proportion est considérée comme crédible pour l’ensemble de la population concernée présente sur le sol national, sachant que certains centres de santé, comme les centres d’accueil de soins et d’orientation (CASO) de l’association Médecins du monde, qui reçoivent des populations particulièrement démunies, relèvent un taux de non-recours beaucoup plus important, de l’ordre de 85%.

Selon les analyses réalisées auprès des patients par diverses structures impliquées sur ces questions, ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs : le fait que la santé n’est pas considérée comme une préoccupation principale par les personnes en grande précarité par rapport à d’autres besoins comme le logement ou l’alimentation, la méconnaissance du dispositif liée aux situations d’isolement social, la complexité administrative, qui impose la présentation de documents parfois difficiles à établir (notamment la justification d’une domiciliation), les difficultés linguistiques, qui limitent la possibilité d’échanges efficaces avec l’administration et les personnes ressources, et la crainte de l’interpellation, qui crée une hésitation à entreprendre des démarches.

À ce tableau, il faut encore ajouter le fait que l’accès plus ou moins rapide à la prestation est dépendant des pratiques des services chargés de l’instruction des demandes au sein des CPAM. Ces derniers doivent réaliser un certain nombre d’opérations de contrôle, certes légitimes, mais qui peuvent favoriser les retards dans la prise en charge, comme l’a montré Céline Gabarro à partir d’une enquête de terrain approfondie menée dans plusieurs centres de traitement4.

La dépense globale de l’AME est passée de 580 à 968 millions d’euros entre 2010 et 2022. Même si elle reste très modique par rapport à la dépense d’assurance maladie obligatoire, cette dépense reste politiquement très sensible, et les rédacteurs d’un rapport IGF-IGAS ont pu relever en 2019 que l’AME est volontiers décrite par les associations comme « le milliard le plus scruté de la dépense publique5 ».

Cela dit, la croissance observée est largement corrélée à la progression du nombre de bénéficiaires, et non à celle de la dépense individuelle. Ainsi, sur cette période 2010-2022, la dépense a augmenté de 67% mais, dans le même temps, 76% de personnes supplémentaires ont eu accès à cette aide. La baisse de la dépense individuelle, malgré l’évolution du coût des soins, s’explique notamment par la réduction de la part de la dépense hospitalière (hors soins externes), passée 68% à 60,7% sur la période. 

Compte tenu de la lourdeur des problèmes de santé rencontrés, la part de cette dépense dans le montant total du budget consacré à l’AME reste cependant supérieure à celle observée pour l’assurance maladie obligatoire (56,7%), mais cette différence n’apparaît finalement pas très importante. Notons enfin une progression marquée de la dépense en soins urgents ces dernières années (+43,6% entre 2019 et 2022) mais, comme nous l’avons dit, ces soins représentent moins de 10% de la dépense.

La fraude à l’AME reste limitée

La fraude fait partie des maux couramment attribués à l’AME. Les travaux menés sur le sujet relèvent quatre éléments qui peuvent y contribuer dans certains cas : la déclaration d’identité, la déclaration de résidence, la date d’entrée sur le territoire et la déclaration de ressources. Les données disponibles montrent cependant que, depuis plusieurs années, la fraude à l’AME reste limitée.

Le Sénat, peu suspect de complaisance avec les fraudeurs, indique dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2024, enregistré le 23 novembre 2023, que même après la mise en œuvre d’une partie des recommandations de vérification formulées dans le rapport IGF-IGAS cité plus haut, les fraudes détectées correspondent à des montants « assez modestes », soit 0,5 million d’euros en 2020 et 0,9 million en 2022. Elles ne constituent donc pas une explication crédible à l’augmentation des dépenses.

En outre, comme l’indique le rapport Evin-Stefanini, les contrôles opérés n’indiquent pas un taux de malversations supérieur chez les bénéficiaires de l’AME par rapport à ce qui est enregistré pour le régime général, à propos duquel on note un objectif de 500 millions d’euros à détecter et à stopper pour l’année 20246.

Ces éléments étant précisés, il reste que la confiance vis-à-vis du dispositif est un enjeu très important pour son acceptabilité sociale. Le rapport présenté en décembre 2023, tout en notant la bonne qualité générale des contrôles réalisés, fait un certain nombre de propositions pour les compléter ou les renforcer. Parmi ces recommandations, citons la nécessité d’une présence physique pour toute demande, la réalisation d’analyses mieux ciblées sur les gros consommateurs, et la possibilité de faire des recherches d’identité plus poussées.

L’AME n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration

Parallèlement à ses objectifs humanitaires, régulièrement rappelés, l’AME répond à une ambition de protection de la santé des individus et, plus largement, de la population. De ce point de vue, le premier bénéfice qu’elle produit est d’ouvrir une possibilité d’accès aux soins à plus de 460 000 personnes qui présentent globalement un état de santé caractérisé par ce qu’on appelle le gradient social.

Ce dernier exprime l’idée que, même si tout un chacun est potentiellement concerné par la maladie, il existe une relation entre la situation socio-économique des individus et leur état de santé. Elle s’établit selon un continuum, qui fait que plus un individu se trouve dans une situation difficile de ce point de vue, plus sa santé a tendance à se trouver dégradée.

Ainsi, malgré leur bon capital santé de départ en général, les traumatismes vécus par les migrants lors de leur parcours, souvent long et douloureux sur le plan physique et psychologique, entraînent une forte dégradation de leur état de santé. Le healthy migrant effect, mis en avant il y a quelques années pour rendre compte du fait que les migrants qui arrivent sur le territoire national sont en moyenne en meilleure santé que la population native, est moins vrai aujourd’hui étant donné la rudesse des nouveaux parcours.

Une fois arrivés dans le pays destinataire, les migrants subissent des conditions d’accueil qui ne contribuent pas à soulager ces maux. Au contraire, elles ont tendance à les accentuer en raison des divers obstacles à surmonter pour trouver un toit, pour accéder à un travail, pour éviter les discriminations, etc. Les femmes apparaissent particulièrement touchées par ces difficultés, lesquelles peuvent aussi concerner les personnes qui disposent d’un titre de séjour, comme le montrent les comptes rendus d’activité des CASO de Médecins du monde.

Dans ce contexte, on comprend facilement que, contrairement à ce qui est mis en avant dans les arguments qui plaident pour un durcissement des conditions d’éligibilité aux prestations, les motivations médicales restent extrêmement marginales dans la décision de migration.

Les diverses études menées sur le sujet s’accordent pour mettre au premier plan d’autres raisons beaucoup plus convaincantes comme l’espoir d’échapper à l’insécurité et aux conflits armés, la volonté d’accéder à une situation économique plus favorable, la possibilité de compléter sa formation ou encore le souhait de se rapprocher de sa famille ou de ses proches. Le rapport Evin-Stefanini souligne ainsi que l’AME n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration.  

Les séquelles des parcours passés et les conditions de vie des migrants dans le pays d’accueil se traduisent par des besoins de santé souvent importants, dont l’AME permet d’assurer la prise en charge.

L’AME permet une prise en charge globale des besoins de santé plutôt satisfaisante

Comme nous l’avons souligné, la part hospitalière dans les dépenses tend à diminuer sensiblement au cours des dernières années, et la médecine de ville prend une place plus importante, à la fois pour les consultations médicales, pour les interventions dentaires et pour les actes des auxiliaires médicaux.

Sur ce sujet, une étude de l’IRDES, publiée en août 2023, met en évidence que les étrangers en situation irrégulière qui bénéficient de l’AME sollicitent davantage les cabinets médicaux et les centres de santé comme points d’entrée dans le système de soins, et ce d’autant plus que le soutien permis par l’AME est ancien7. Il est reconnu que l’utilisation de ces lieux dédiés aux soins primaires permettent une meilleure intégration dans les parcours de soins, concourent à un suivi plus régulier et limitent l’aggravation des troubles. Les personnes non couvertes utilisent davantage les services des permanences d’accès aux soins (PASS), les urgences ou les services des associations, qui offrent des services indispensables mais plus ponctuels.

Une autre étude publiée en décembre 2023 par le même institut compare les dépenses ambulatoires des personnes consommant des soins entre les bénéficiaires de l’AME et les bénéficiaires de la CSS-NC8. Il s’agit en effet de deux populations qui autorisent cette mise en parallèle car, à l’exception du dentaire et de l’optique, elles bénéficient du même panier de soins et du même degré de couverture. Elles ont par ailleurs de faibles revenus, et présentent toutes les deux un état de santé moins favorable par rapport au reste de la population.

Il ressort de cette analyse que le niveau de leurs dépenses est proche sauf, sans surprise, pour celles qui concernent le dentaire et l’optique, qui se révèlent significativement plus faibles pour les titulaires de l’AME, compte tenu du strict respect des tarifs de responsabilité. Pour l’optique, par exemple, 18% des bénéficiaires de la CSS ont recours à ces prestations contre seulement 2% des titulaires de l’AME. Cette particularité mise à part, les études de l’IRDES montrent que l’AME permet, dans des conditions financières favorables pour les intéressés et pour la collectivité, une prise en charge globale des besoins de santé plutôt satisfaisante et contribue à limiter le non-recours.

La situation observée dans les CASO de l’association Médecins du monde, même si elle n’est pas complètement représentative de l’ensemble de la population sans titre de séjour, permet d’apporter quelques précisions complémentaires sur les bénéfices de l’AME9.

Dans ces structures, qui accueillent des personnes en situation de grande précarité, 83% d’entre elles n’ont aucune couverture santé. Plus précisément, s’agissant des personnes potentiellement concernées par l’AME, qui représentent 62% des cas éligibles à une couverture, 86,5% n’ont pas de droits ouverts. Or, ces dernières déclarent lors de leur première consultation un renoncement aux soins deux fois plus élevé que celles qui sont couvertes, ceci très majoritairement pour des raisons financières.

On mesure plus clairement les avantages de la couverture AME dans l’accès à la prévention et aux soins quand on note par ailleurs que, selon l’avis des médecins, près de la moitié des personnes reçues en consultation dans les CASO – qui, rappelons-le, ne sont pas couvertes dans 83% des cas − présentent un retard de recours qui nécessite des soins médicaux urgents ou assez urgents, forcément plus coûteux.

Pour ce qui concerne les soins délivrés à l’hôpital, et pour lesquels l’AME joue un rôle de protection contre le risque lourd, les besoins apparaissent particulièrement importants pour l’obstétrique, qui rassemble 15% de leurs séjours pour l’ensemble médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) et pour la psychiatrie, qui représente 14% de la dépense hospitalière dédiée. Il faut également souligner une forte activité de dialyse, largement supérieure à celle observée en population générale. La durée moyenne des séjours à l’hôpital (5,5 jours) est sensiblement supérieure à celle des assurés sociaux (4,7 jours).

Le projet de substitution AME-AMU fait l’objet d’une contestation soutenue de la part de diverses forces issues des sphères politiques, professionnelles, et de la société civile. À ce sujet, une tribune dans Le Monde, signée par 3000 soignants le 2 novembre 2023, a été particulièrement remarquée.

Cette prise de position n’a pas empêché le vote de l’amendement présenté au Sénat quelques jours plus tard. Cet amendement prévoit donc la création d’un panier de soins sans avance de frais, propre à l’AMU et destiné aux personnes résidant en France depuis plus de trois mois, et qui inclut la prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître. Ce panier intègre aussi la couverture des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive. Un droit de timbre annuel, à fixer par décret, est par ailleurs réintroduit.

Une réforme porteuse de trois grands risques

Cette transformation radicale de la prestation expose à plusieurs risques qui peuvent être organisés en trois grandes catégories.

Des effets défavorables pour la santé des concernés et la santé publique

La première concerne la détérioration de l’état de santé. Au niveau individuel, nous avons vu à partir des études de l’IRDES et de Médecins du monde que les personnes non couvertes ont tendance à solliciter des services de soins primaires ponctuels et à moins recourir aux soins. L’exclusion des soins primaires ordinaires du panier de l’AMU contribuerait donc forcément à accentuer ces comportements. Par ailleurs, le paiement du droit de timbre annuel pourrait décourager d’entreprendre des démarches pour bénéficier de l’aide, et augmenter la proportion de personnes non couvertes – qui est déjà très élevée. 

On peut aussi s’interroger, malgré les préoccupations affichées de prophylaxie, sur les conséquences en matière de prévention, car la concentration de l’intervention sur l’urgence implique l’abandon du suivi des parcours d’amont, qui devraient pourtant en toute rigueur dépasser les vaccinations et les examens préventifs visés par l’AMU.

Au final, il ne fait pas de doute que l’affaiblissement de ces parcours et le moindre recours se traduiraient dans un deuxième temps par des retards de diagnostic et par l’aggravation des situations, renforçant ainsi le besoin en soins urgents par rapport à la situation actuelle.

Sur le plan global de la santé publique, il est indéniable que la dégradation de l’état de santé de ces personnes pourrait avoir des effets défavorables.

Premièrement, comme cela a été souvent souligné, le relâchement important de la surveillance au niveau des soins primaires pourrait favoriser la diffusion de certaines maladies contagieuses. On peut d’ailleurs questionner ici le sens d’un droit d’entrée annuel, qui s’appliquerait aussi sur les vaccinations et les examens préventifs, alors même que la gratuité est reconnue comme une justification économique de l’intervention de l’État en matière de prévention pour éviter les effets externes des renoncements individuels sur l’ensemble de la collectivité. En protégeant mieux une population sensible, c’est la société tout entière qui se protège.

En second lieu, le traitement dans des conditions d’urgence d’une fraction plus importante de la demande de soins est susceptible d’exercer sur le système de santé, déjà fragilisé et en difficulté pour faire face à tous les besoins, une pression désorganisatrice très défavorable à la qualité de la prise en charge de la population générale.

Évidemment, à côté de ces répercussions sur les urgences et sur les services hospitaliers d’aval, les restrictions sur les soins de première ligne ne manqueraient pas de peser également sur les PASS et les structures associatives qui s’adressent aux populations en situation de précarité. Cela pourrait aussi poser de nouvelles questions délicates sur la priorisation des cas dans des contextes de fréquentation tendue. Au-delà du risque épidémique, ces observations constituent un second aspect de santé publique qu’il convient de bien garder à l’esprit.

Un risque financier

La deuxième catégorie de conséquences porte évidemment sur le coût d’une telle orientation pour la société.

S’il est difficile d’apprécier précisément a priori les effets financiers d’une telle mutation, il est raisonnable de penser que le basculement d’une partie de la dépense vers l’hôpital, avec des interventions plus complexes et parfois très coûteuses comme la réanimation, occasionnerait une dépense supplémentaire non négligeable. Les économies réalisées sur les soins courants seraient donc contrebalancées par des dépenses supplémentaires pour des soins plus spécialisés, avec des risques de perte en qualité compte tenu des nouvelles tensions d’organisation évoquées précédemment.

Une étude parue en 2015 de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), basée sur une recherche incluant trois pays européens, confirme ces observations. Elle met en évidence que la prise en charge précoce des soins aux demandeurs d’asile et aux migrants permet des économies qui s’étendent de 9% à 69% selon les maladies et les pays10.

Un risque de complexification administrative et médicale

Le troisième risque présenté par l’AMU est la complexification de la gestion du dispositif.

Le nouveau droit de timbre supposerait déjà d’ajouter des opérations de recouvrement annuel et de contrôle aux procédures actuelles. Mais, au-delà de cette première difficulté, se poserait surtout la question du traitement de la notion d’urgence. L’AMU viendrait s’ajouter au dispositif dérogatoire pour soins urgents déjà existant, destiné aux personnes non éligibles à la nouvelle prestation ou ne l’ayant pas demandée11. Il est vrai que la société ne peut pas décemment rester sans réagir face à des situations qui peuvent menacer à très court terme la vie des personnes. Les migrants sans titre de séjour nouvellement arrivés passeraient donc, au bout de trois mois, d’une possibilité de prise en charge d’un ensemble de soins urgents délivrés à l’hôpital (et qui posent déjà un certain nombre de questions d’appréciation pour les praticiens hospitaliers) à un ensemble qui inclurait, en plus des soins urgents, la prophylaxie, le traitement des maladies graves, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive, le tout sous réserve de s’acquitter du forfait annuel.

Comme dans le cas précédent, l’appréciation des soins urgents et du risque d’altération grave et durable de l’état de santé pourrait poser de sérieuses difficultés et donner lieu à des pratiques différentes selon les professionnels impliqués, perturbant ainsi le principe d’égalité des droits. De la même manière, la détection de la maladie grave et l’estimation des nécessités de traitement dans cette circonstance pourraient se révéler très compliquées, dans la mesure où ces actes ne peuvent pas être complètement déconnectés d’interventions plus en amont dans les parcours. Elles permettent en effet, à partir des enseignements apportés par les consultations et les examens préalables, d’évaluer avec plus de finesse le processus et l’état de dégradation de la santé des patients, et de dégager des éléments plus précis de diagnostic. Pour les soignants, l’appréciation de l’urgence peut aussi poser des questions difficiles sur le plan de l’éthique médicale. Comment, par exemple, faire le lien entre les « douleurs aiguës » exprimées par les patients et le degré d’urgence des soins sans disposer d’informations suffisamment précises sur les antécédents médicaux de la personne ? 

Les insuffisances de l’AME

On le voit, l’AME telle qu’elle fonctionne depuis 2000 présente beaucoup d’avantages au regard de la conception très restrictive de l’AMU. Elle reste cependant une prestation sociale qui isole et marginalise les étrangers en situation irrégulière dans une catégorie à l’écart du droit commun, et qui donne à voir un certain nombre d’insuffisances.

Celles-ci sont d’autant plus problématiques que cette population est, dans sa très grande majorité, exposée à une précarité socio-économique qui impose un suivi médical de qualité. Plusieurs points méritent d’être soulignés.

Un dispositif discriminant

Il faut d’abord noter que, dans l’esprit collectif, les bénéficiaires de l’AME sont rattachés à une situation d’illégalité. Ceci affecte très directement la manière dont la société conçoit les besoins de soins et les mécanismes de solidarité à mettre en œuvre pour ces personnes, et a tendance à orienter les politiques publiques vers le moins disant. Poussées par ces logiques, des discriminations peuvent apparaître dans les parcours médicaux et dans la qualité des soins délivrés. Mais cette représentation touche aussi les bénéficiaires. Ils sont bien conscients que leur situation est non seulement socialement dévalorisée, mais aussi qu’elle est susceptible de leur attirer des ennuis. Ils peuvent alors faire passer leur très relative sécurité sur le territoire avant leur accès aux soins.

Des ruptures de droits

Deuxièmement, la gestion de l’AME entraîne de régulières ruptures de droits. Par exemple, les bénéficiaires qui accèdent au processus de demande d’asile sont couverts par la PUMA après trois mois de carence. Mais, s’ils sont déboutés, ils doivent à nouveau déposer un dossier pour l’AME à l’issue d’une période de six mois de maintien des droits. Compte tenu des délais d’instruction à chaque étape, ces périodes de ruptures peuvent être longues. Dans le dernier cas, par exemple, cette durée avoisine un an. Le renouvellement de l’AME, qui doit être fait annuellement, expose aussi à des périodes d’absence de couverture.

Il est facile de comprendre que la succession de ces statuts, avec toutes leurs phases transitoires, complique sérieusement la surveillance médicale, et qu’elle conduit à des retards de prise en charge et à des complications qui peuvent déboucher sur le recours aux urgences.

Des pertes de chance médicales

L’absence d’inscription des bénéficiaires dans les dispositifs du médecin traitant, du parcours de soins coordonné, du dossier médical partagé et de certaines mesures nationales de prévention comme les campagnes de dépistage de l’assurance maladie est une troisième insuffisance de l’AME.

Cela emporte des conséquences sur la qualité des suivis individuels, mais prive aussi la collectivité d’un ensemble d’informations sanitaires et de leviers d’intervention sur le plan de la santé publique au bénéfice de tous. À titre d’exemple, la couverture vaccinale de la population reçue dans les CASO est très en retrait par rapport à la moyenne nationale, et seulement 16,8% des femmes reçues en première consultation ont déjà bénéficié d’un dépistage du cancer du col de l’utérus. Malgré le fort durcissement des mesures votées, les sénateurs ont, semble-t-il, perçu ces carences en intégrant dans le périmètre de prise en charge de l’AMU les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.

Un dispositif lourd et complexe

Enfin, la gestion globale du dispositif s’avère particulièrement lourde et se traduit par des démarches complexes pour les bénéficiaires. Elle nécessite des phases d’instruction et de contrôle qui supposent d’affecter des agents très spécialisés à ces tâches et qui doivent tenir compte, lors des renouvellements annuels, des ajustements réguliers apportés sur le mode d’administration de la prestation.

Cette absence de fluidité se vérifie aussi du côté des soins, et il ressort que les bénéficiaires sont confrontés à un taux de refus de rendez-vous supérieur à celui qui est enregistré pour un patient de référence (non titulaire de la CSS ou de l’AME), comme le montre une étude très détaillée réalisée sur la base d’un testing par l’Institut des politiques publiques en 202312. Ces refus n’apparaissent pas significatifs pour la CSS, mais les écarts de taux de rendez-vous avec le patient de référence sont bien réels pour l’AME dans trois spécialités étudiées, à savoir la médecine générale (+9%), l’ophtalmologie (+16,2%) et la pédiatrie (+6%). Les hommes apparaissent un peu plus touchés que les femmes.

Ce qui explique l’écart avec le patient de référence réside dans le caractère discriminatoire des refus qui peuvent être explicites ou implicites, c’est-à-dire, dans ce dernier cas, fondés sur un motif légitime mais présenté de manière abusive. De façon plus générale, ces refus peuvent s’expliquer par l’absence d’avance de frais par les patients, qui peut faire craindre aux professionnels des retards de paiement de l’Assurance maladie, par la difficulté de pratiquer des dépassements d’honoraires ou par la perception défavorable des situations sociales et économiques des bénéficiaires susceptibles d’entraîner certaines complications dans la prise en charge

Une autre piste à explorer : le rattachement des étrangers en situation irrégulière à la PUMA

Nous l’avons noté, l’AME représente un montant modeste par rapport à la dépense de santé couverte par la Sécurité sociale. Mais il reste évident que les différents niveaux de dysfonctionnement qui viennent d’être mentionnés perturbent la qualité de l’action publique et ne contribuent pas au bon usage de la dépense mobilisée. Ce constat donne des arguments pour l’examen d’une perspective d’évolution radicalement différente de la couverture santé des étrangers en situation irrégulière : le rattachement à la PUMA.

Compte tenu du nombre de voix qui se sont élevées contre l’amendement voté par le Sénat et de la solidité des critiques qui ont été formulées à cette occasion, il est permis de considérer que le remplacement de l’AME par l’AMU a moins de risques de se produire qu’un durcissement des conditions actuelles. Mais il est certain que les propositions qui iraient dans cette dernière direction ne feraient qu’accroître les difficultés d’accès aux soins et l’aggravation des états de santé.

Le rapport Evin-Stefanini insiste relativement peu sur le durcissement des conditions d’accès à l’AME, à l’exception notable de l’extension du recours à l’accord préalable pour un ensemble plus vaste d’actes ou d’affections, et au-delà de neuf mois après la date d’admission à l’aide. Il s’attache plutôt, comme nous l’avons dit, à proposer un renforcement des contrôles et des mesures destinées à mieux soutenir la prévention. Mais cela ne signifie pas que les décisions politiques à venir respecteront cette relative modération. L’exploration d’une piste plus satisfaisante reste donc légitime.

La suppression de l’AME au profit de l’affiliation au régime commun qui, rappelons-le, existait jusqu’en 1993 est défendue par divers acteurs de la société civile, du monde professionnel et par différentes autorités publiques, dont le Défenseur des droits et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) – qui ne sont pas les moins autorisés à s’exprimer sur le sujet. 

Même si ce n’est pas le point le plus souvent mis en avant dans les positions exprimées, commençons par souligner que, sur le plan juridique, l’AME peut paraître fragile au regard des textes internationaux sur le droit aux soins. Il en va de même pour le cas français et il faut souligner que, dès la « loi Pasqua » de 1993, certains juristes avaient noté que le principe de remplacement du critère de résidence par le critère de régularité de séjour pour bénéficier des prestations sociales pouvait être sérieusement questionné du point de vue de sa conformité avec le préambule de la Constitution13.

Les autres lignes d’argumentation pour la fusion AME-PUMA s’appuient naturellement sur les insuffisances déjà évoquées de la prestation actuelle. Apportons quelques précisions complémentaires sur les points essentiels.

Un dispositif moins stigmatisant, plus efficace et plus fluide 

Les migrants sans titre de séjour ne sont pas des assurés sociaux et ne sont pas détenteurs de la carte vitale. Cette marginalisation sociale donne prise à une instrumentalisation politique, aujourd’hui très active, qui conduit à placer au premier plan, non pas l’exigence de protection de la santé, mais des préoccupations de lutte contre une immigration réputée « incontrôlée », lutte qui correspondrait à la demande d’une majorité de citoyens convaincus de l’existence d’une « prestation-appel-d’air ».

La fusion dans la PUMA, protection à vocation universelle, se prêterait beaucoup plus difficilement à cette interprétation, et permettrait aux étrangers en situation irrégulière d’être moins stigmatisés.

Par ailleurs, au moment où l’importance de la prévention et la cohérence des parcours de soins sont sans cesse réaffirmés, il est paradoxal de voir perdurer un système qui pousse vers les services d’urgence et vers l’hôpital et qui tend, via les ruptures de droits et les renoncements aux consultations, à exclure des personnes le plus souvent dans une situation de fragilité à l’égard de la santé. Leur inclusion dans le régime général de Sécurité sociale supprimerait nombre d’obstacles qui s’opposent au « juste soin ». 

Enfin, dernier point : pour les caisses d’assurance maladie, cette évolution simplifierait la gestion en évitant les complexes transferts d’information entre les services quand les personnes passent d’un dispositif à l’autre et limiterait les erreurs et les retards dans le traitement des dossiers.

Revenir à une pleine application du principe d’universalité

À rebours des progrès permis par l’universalisation progressive de l’assurance maladie, consolidée par la PUMA en 2016, et la clarification opérée à partir du 1er novembre 2019 par la fusion de la CMU et de l’aide à la complémentaire santé dans la CSS, la tentation semble grande aujourd’hui de céder aux sirènes qui prônent un renforcement des logiques clivantes.

Or, on sait par expérience que la fragmentation des systèmes sociaux a tendance à nourrir les incompréhensions et les ressentiments au sein de la population et à fragiliser l’adhésion collective à la Sécurité sociale, certains s’estimant moins bien traités que leur voisin compte tenu de leur contribution à l’effort collectif.

Il serait au contraire souhaitable de rompre avec cette politique et de revenir à une pleine application du principe d’universalité. Cela veut dire progresser vers une unification de la couverture santé, qui permettrait aux migrants en situation irrégulière de s’inscrire dans les dispositifs sociaux et sanitaires ouverts à la population générale.

Dans cet esprit, il ne s’agirait pas tant de mettre au premier plan l’efficacité économique de cette mutation, ni même la possibilité d’une meilleure protection collective contre le risque épidémique, mais bien plutôt de réaffirmer la conception de la santé comme un droit fondamental pour toute personne.

Cette politique aurait également l’avantage d’aborder la question de la santé des migrants en tant que vecteur d’une politique d’intégration cohérente, et non comme résultante d’une politique d’immigration incontrôlée.

 

 




Des articles de loi scandaleux durcissent les conditions de vie, et s'attaquent en particulier à l'A.M.E. (Aide Médicale d'Etat). Au 10 novembre 2023, tout n'est pas joué et le projet devrait être présenté à l'Assemblée Nationale en Janvier: il reste donc de l'espoir, bien que la meilleure solution sot l'abandon de ce projet dans son intégralité.
Si ce point inquiète, on craint que ce vote du sénat ait servi à repousser les limites (l'impensable hier devient banal aujourd'hui). Par exemple, l'AME a sans doute peu de chance d'être supprimée à l'AN, mais cet "échec" espéré sur certains points, peut aider à banaliser d'autres points qui passeront. Par exemple, la santé psychique et physique, l'accès aux soins ne se limitent pas à l'AME. L'arrêt d'aides sociales (à moins de 5 ans de présence régulière continue), l'arrêt de réduction aux trajets pour les bénéficiaires d'AME, la création d'un délit de séjour irrégulier, (Cf. décryptage CIMADE) participeront, dans un contexte qui connaît déjà des discriminations à une aggravation de la situation de santé et de l'accès aux soins des exilé.es


Loi immigration : pour la sauvegarde du droit au séjour pour raisons de santé

Sept sociétés savantes et plus de 1 300 soignants et scientifiques, dont la Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, appellent à préserver ce dispositif, que le projet de loi immigration restreindrait.

L'express

https://www.lexpress.fr/sciences-sante/loi-immigration-pour-la-sauvegarde-du-droit-au-sejour-pour-raisons-de-sante-W7DPTHTNDBAHJHKANQRBYFNA4Q/

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- Projet d'amendement des articles attaquant les étrangers malades (et le DASEM) (doc sur site)

- Des assurés comme les autres. Une analyse des consommations de soins de ville des personnes couvertes par l'Aide médicale de l'Etat

Petit S. (Université de Bordeaux), Wittwer J. (Université de Bordeaux), Dourgnon P. (Irdes), Jusot F. (Université Paris-Dauphine, PSL, Leda-Legos, Irdes), Marsaudon A. (Irdes)

L'Aide médicale de l'Etat (AME) permet-elle de lever les barrières financières à l'accès aux soins des personnes étrangères en situation irrégulière ? De précédents travaux menés à partir de l'enquête Premiers pas ont montré que l'AME est associée à un non-recours aux soins moins fréquent, mais aussi qu'elle favorise les consultations médicales en cabinet ou en centre de santé, plutôt que dans les services d'urgence et les associations. Ainsi, les modalités de recours aux soins des personnes couvertes par l'AME se rapprochent de celles du reste de la population résidente.
Dans cette seconde étude, nous comparons les consommations de soins de ville des personnes couvertes par l'AME à celles des personnes couvertes par la Complémentaire santé solidaire non contributive (CSS-NC). Comme les bénéficiaires de l'AME, les personnes couvertes par la CSS-NC ont de faibles revenus. Elles sont aussi en plus mauvais état de santé que le reste de la population française. Les consommations de soins ambulatoires de ces deux groupes de population sont-elles proches ?
Les résultats, basés sur l'étude de deux cohortes administratives construites à partir des données de remboursement de 2018 de la Caisse primaire d'assurance maladie de Gironde, montrent que les deux populations ont des consommations voisines sur l'ensemble des postes de soins, à l'exception des postes bien couverts par la CSS-NC, mais en revanche peu couverts par l'AME, comme les soins dentaires et l'optique. 


- 19/11/2023 Tribune du Monde:
 « Travailleurs du soin, unissons-nous contre la suppression programmée de l’aide médicale d’Etat »

Philippe Bizouarn   Médecin anesthésiste-réanimateur

 Dans une tribune au « Monde », le médecin Philippe Bizouarn s’indigne de la suppression de l’aide médicale d’Etat, destinée aux sans-papiers, votée par le Sénat le 7 novembre. Le supposé tourisme médical n’existe pas, rappelle-t-il



- 18/11/23 Le Monde: « La décision du Sénat de supprimer l’AME ne correspond à aucune logique médicale, budgétaire ou de lutte contre la fraude »

Les médecins Bernard Basset, Amine Benyamina et François Bourdillon estiment, dans une tribune au « Monde », que le vote des sénateurs le 7 novembre de la suppression de l’Aide médicale d’Etat constitue un moment noir pour la santé publique et les valeurs humanistes de la France.



- Tribune: L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/02/l-appel-de-3-000-soignants-nous-demandons-le-maintien-de-l-aide-medicale-d-etat-pour-la-prise-en-charge-des-soins-des-personnes-etrangeres_6197818_3232.html



-Des médecins sénateurs LR visés par deux plaintes ordinales après la suppression de l'AME

Les sénateurs visés par la plainte sont la sénatrice de Saône-et-Loire Marie Mercier et le sénateur du Pas-de-Calais Jean-François Rapin.

La rédaction avec AFP - Aujourd'hui à 12:55 | mis à jour aujourd'hui à 13:10 - Temps de lecture : 2 min


- Suppression de l’AME : 3 500 médecins menacent de désobéir si l’aide médicale d’Etat disparaît

(Le Monde)

Ces professionnels de santé s’engagent à « continuer de soigner gratuitement » les malades sans papiers si le dispositif devait disparaître, comme le souhaite une partie de la classe politique.

(la formule exposée est insuffisante et fausse le débat: il s'agit pour les médecins au contraire d'obéir au code la santé publique (R 4127-7). Et leur engagement à soigner ne peut garantir les examens, biologie, autres qui permettent d'exercer la médecine: seule le maintien de l'AME est acceptable

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/11/suppression-de-l-ame-3-500-medecins-menacent-de-desobeir-si-l-aide-medicale-d-etat-disparait_6199557_3224.html




00- Notre fiche discriminations
 

L’appel de 3 000 soignants :

« Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/02/l-appel-de-3-000-soignants-nous-demandons-le-maintien-de-l-aide-medicale-d-etat-pour-la-prise-en-charge-des-soins-des-personnes-etrangeres_6197818_3232.html

Tribune Le Monde


Collectif

Alors que la suppression de l’AME pourrait être débattue dans le cadre du projet de loi « immigration » qui arrive au Sénat lundi 6 novembre, des milliers de soignants rappellent, dans une tribune au « Monde », les raisons d’être de ce dispositif.

 

Nous, soignants de toutes spécialités et de toutes origines, souhaitons nous opposer fermement et de manière unie au projet de suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’un dispositif dégradé.

L’AME est une aide sociale qui permet aux personnes étrangères en situation administrative irrégulière d’avoir accès aux soins. Il s’agit d’un outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France.

Les patients que nous soignons et qui bénéficient de l’AME ne sont pas, dans leur grande majorité, des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales. Leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants : problèmes de santé physique et psychique, maladies chroniques, maladies transmissibles ou contagieuses, suivi prénatal insuffisant et risque accru de décès maternels.

Retards de diagnostic

A ce titre, il s’agit d’une population prioritaire en matière de santé publique. Limiter leur accès aux soins aurait pour conséquence directe d’entraîner une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population toute entière. En témoigne l’exemple malheureux de l’Espagne : la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 y a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité. Cette réforme a finalement été abrogée en 2018.

Nous, soignants du terrain, sommes extrêmement préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie. Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Non, l’aide médicale d’Etat n’est pas un scandaleux appât pour migrants ! »

Les barrières à l’accès aux soins sont déjà multiples pour ces patients. Les exclure encore davantage ne pourrait qu’entraîner leur renoncement aux soins et la dégradation de leur état de santé. L’éloignement du système de santé aboutit in fine à des retards de diagnostic, au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications. Le recours aux soins dans ce contexte survient en urgence avec des hospitalisations complexes et prolongées, parfois en réanimation, dans des structures déjà fragilisées, et à des coûts finalement bien plus élevés pour la collectivité, sans oublier les difficultés attendues à transférer ces patients en soins de suite et de réadaptation, qui requièrent une couverture maladie.

Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants.

Leur santé, c’est aussi la nôtre

Nous, soignants exerçant en libéral, à l’hôpital, en centre de santé, en protection maternelle et infantile, dans les PASS, dans les structures de prévention et auprès d’associations, soignons les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession.

Lire aussi la tribune (2022) : Article réservé à nos abonnés « L’abandon de l’aide médicale d’Etat est à la fois dangereux médicalement, absurde économiquement et indigne moralement »

Restreindre l’accès aux soins à une population fragilisée sur la base d’un critère de régularité du séjour est contraire à la majorité des textes en vigueur en France sur les droits de l’homme, qui stipulent que tout individu doit avoir accès aux soins quels que soient son origine et son statut. Ainsi, nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort. Nous demandons le maintien de l’AME pour la prise en charge des soins des personnes étrangères.

Au-delà de sa raison d’être humaniste, l’AME est aussi un outil essentiel à la santé des individus et à la santé publique. Leur santé, c’est aussi la nôtre. Les restrictions politiques ne feront qu’éprouver les corps, contribuer à la dégradation de la santé publique, compliquer la tâche des soignants et fragiliser un système de santé déjà exsangue.

Nous appelons donc le gouvernement et nos élus à renoncer à tout projet portant atteinte à l’AME ou venant restreindre son périmètre, et à conforter l’accès à une couverture maladie pour tous.

Premiers signataires : Valérie Achart-Délicourt, infirmière, cadre supérieure de santé, vice-présidente de la Société française de lutte contre le sida ; Françoise Barré-Sinoussi, virologue, Prix Nobel de médecine en 2008 ; Jean-François Delfraissy, professeur d’immunologie, président du Comité consultatif national d’éthique ; Anne-Laure Feral-Pierssens, médecin urgentiste, cheffe du SAMU 93-Urgences des hôpitaux Paris Seine-Saint-Denis ; Agnès Giannotti, médecin généraliste, présidente du syndicat MG-France ; Rémi Laporte, médecin (coordination régionale des permanences d’accès aux soins de santé à Marseille) ; Julien Le Breton, médecin généraliste, président de la Société française de médecine générale ; Florence Rigal, médecin interniste, présidente de Médecins du monde France ; Rémi Salomon, pédiatre, président de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de CHU ; Nicolas Vignier, infectiologue, coordonnateur du groupe migrants et populations vulnérables de la Société de pathologie infectieuse de langue française.

Retrouvez la liste complète des signataires ici.








Quelques références solides sur les migrations

Par exemple:
Appel d'air

Les étrangers viennent-ils pour profiter du système de soin en France?
Coût de l'immigration
Médecins et immigrations
LES MIGRATIONS NE SONT PAS UNE CAUSE D’INSÉCURITÉ



Petit livre de synthèse
"ON NE PEUT PAS ACCUEILLIR TOUTE LA MISERE DU MONDE" - EN FINIR AVEC UNE SENTENCE DE MORT

Pierre Tevanian    Jean-Charles Stevens

 « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : qui n’a jamais entendu cette phrase au statut presque proverbial, énoncée toujours pour justifier le repli, la restriction, la fin de non-recevoir et la répression ? Dix mots qui tombent comme un couperet, et qui sont devenus l’horizon indépassable de tout débat « raisonnable » sur les migrations. Comment y répondre ? C’est toute la question de cet essai incisif, qui propose une lecture critique, mot à mot, de cette sentence, afin de pointer et réfuter les sophismes et les contre-vérités qui la sous-tendent. Arguments, chiffres et références à l’appui, il s’agit en somme de déconstruire et de défaire une « xénophobie autorisée », mais aussi de réaffirmer la nécessité de l’hospitalité.

Anamosa - 5 euros


- Neuf graphiques pour contrer les fantasmes sur l’immigrationvoir ici


- Le Monde, 18/11/23: "la figure de l'étranger, et repoussoir imaginaire


Les titres de séjour

titres sejour 2022




Origine des demandeurs d'asile en 2022

https://www.vie-publique.fr/en-bref/287990-immigration-les-chiffres-pour-2022
origine des demandes d'asile



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Neuf graphiques pour contrer les fantasmes sur l’immigration


Décryptage

https://www.alternatives-economiques.fr/neuf-graphiques-contrer-fantasmes-limmigration/00108618

Le 14 Novembre 2023 10 min

Alors que le Sénat s’acharne contre les immigrés, les chiffres imposent une autre analyse. L’augmentation de l’immigration est une tendance mondiale depuis 2000, et la France ne peut prétendre y échapper, même si elle s’entête dans le déni.

Le Sénat a considérablement durci la loi immigration et intégration qui sera discutée à l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre. Nombre d’arguments et de chiffres ont été brandis dans les débats pour justifier ces durcissements. Au mépris de la réalité de ce qu’est l’immigration. Alternatives Economiques fait le point.

Le Sénat a voté la suppression de l’Aide médicale d’Etat, une couverture santé à destination des étrangers en situation irrégulière, à condition qu’ils puissent justifier de trois mois de présence consécutive sur le territoire, et de ressources inférieures à un plafond fixé à 9 719 euros par an pour une personne seule en métropole (ce plafond est plus élevé dans les DOM), soit 809 euros par mois. L’étranger qui bénéficie de l’AME voit ses frais de santé couverts à 100 % par l’Assurance maladie, sans avoir à les avancer.

Le Sénat a remplacé l’AME par une aide médicale d’urgence (AMU), cantonnée à la prise en charge des maladies graves et des douleurs aiguës. Une aberration tant du point de vue de la santé publique que des coûts budgétaires à moyen et long terme. 3 500 médecins ont signé un appel à la désobéissance au cas où la mesure serait maintenue.

Pour ses détracteurs, l’AME coûte trop cher et le nombre de bénéficiaires augmente trop vite. Qu’en est-il ?


Les dépenses des bénéficiaires de l’AME restent contenues

AME EVOLUTION
Evolution des dépenses d'AME par bénéficiaire et des dépenses publiques de santé par habitant en France (en euros par habitant)

Première anomalie à relever : pour un dispositif qui touche aujourd’hui environ 400 000 personnes, on ne dispose d’aucune statistique publique permettant le suivi dans le temps du nombre et du profil des bénéficiaires, ni même du coût précis. Les chiffres avancés sont donc le fait de rapports parlementaires ou d’administrations sociales, lorsqu’elles se penchent sur la question.

Ensuite, si, à partir de ces sources éparses, on rapporte le nombre de bénéficiaires au coût du dispositif, on constate qu’il n’y a aucune dérive, bien au contraire : le coût se maintient à 2 500 euros par an par patient.

Son augmentation à partir de 2005 peut être attribuée au durcissement des conditions d’accès sous Nicolas Sarkozy, selon le chercheur Antoine Math qui fait l’hypothèse que « les restrictions considérables dans l’accès à l’AME ont produit un effet de sélection ». Seuls les patients les plus malades, se rendant à l’hôpital, ont eu accès au dispositif. Or ce sont les cas où la prise en charge est la plus lourde et donc la plus chère. D’où une augmentation du coût par patient.

Le coût de l’AME par patient reste de plus commensurable au coût des dépenses publiques par assuré social dans le système de santé global. Et si le nombre de bénéficiaires augmente, c’est qu’il y a de plus en plus de sans-papiers car les conditions d’accès à la régularisation se durcissent.

Enfin, selon une étude de l’Irdes de 2019, 51 % des patients éligibles n’ont pas accès à l’AME. Ce pourcentage varie notamment en fonction de la durée de présence en France. En deçà d’un an, le taux de non-recours est de 75 %. L’idée que les gens viennent en France « pour se faire soigner gratuitement » est donc absurde.


AME : plus on est arrivé récemment, plus le taux de non-recours est élevé

non recours AME

Part des personnes ne bénéficiant pas de l’Aide médicale de l’Etat (AME) selon leur durée de séjour en France

Les sénateurs ont aussi restreint l’accès aux prestations sociales pour les étrangers extra-européens. Il y a déjà des différences considérables : en métropole, il faut une antériorité de titre de séjour autorisant à travailler de cinq ans pour toucher le RSA et la prime d’activité, et de dix ans pour le minimum vieillesse et le minimum invalidité. A Mayotte, cette condition est de quinze ans, et concerne aussi l’allocation aux adultes handicapés.

Selon la Cour des comptes, près d’un tiers des allocataires du minimum vieillesse sont de nationalité étrangère. Cela représente un montant d’1,2 milliard d’euros sur un total de 3,6 milliards d’euros.

Est-ce étonnant ? Le minimum vieillesse est une prestation destinée à compléter des montants de retraite insuffisants. Or, beaucoup d’étrangers arrivés en France à l’âge adulte ne peuvent justifier de carrière complète au moment de liquider leur retraite. Ils sont plus nombreux que les nationaux à toucher des petites voire toutes petites retraites, qui doivent être complétées par le minimum vieillesse.

Une immigration étudiante et de travailleurs qualifiés

Le regroupement familial a été l’objet de coups de boutoir au Sénat. Les conditions de séjour et de ressources pour formuler une demande de regroupement familial ont été durcies. Tout comme le niveau de maîtrise de français attendu des membres de la famille concernés. Pourtant, le regroupement familial ne constitue pas la première cause de l’augmentation des titres de séjour de plus d’un an. Bien au contraire.

L’augmentation de l’immigration en France, notable depuis 2000, indépendamment des orientations politiques des différents gouvernements, comme le rappelle le démographe François Héran dans Immigration : le grand déni (Seuil, 2023), est d’abord imputable aux étudiants et aux travailleurs non saisonniers. « La migration familiale n’est pour rien dans la hausse générale des titres », souligne le chercheur.

Du reste, il est régi par des lois et conventions internationales qui caractérisent les démocraties et l’Etat de droit. Vouloir le restreindre ex-ante, avec l’adoption de quotas migratoires tels que les a votés le Sénat (même s’il ne s’agit dans ce cas que d’« objectif ») n’est pas possible ni souhaitable, à moins de vouloir s’affranchir du cadre de l’Etat de droit.


Une croissance de l’immigration portée par les étudiants et les travailleurs non saisonniers

croissance immigration
Evolution du nombre de titres de séjour de plus d'un an délivré par famille de motifs

Les étudiants sont pour 45 % dans l’augmentation du nombre de titres de séjour délivrés depuis 2000. Et les travailleurs non saisonniers pour près de 30 %. La migration estudiantine s’inscrit dans une tendance mondiale, mais à un rythme légèrement moins soutenu en France que dans les autres pays, note encore François Héran. Et de pointer la contradiction entre les discours et les politiques publiques :

« On ne peut pas à la fois défendre une vaste sphère francophone au nom de notre "politique d’influence" (c’est sa mission officielle) et empêcher les étudiants francophones de séjourner en France. »

En interdisant l’accès aux APL aux étrangers qui ne peuvent justifier de cinq ans de présence continue en France, « ce sont les étudiants étrangers qui sont les premiers visés », rappelle Anna Sibley, juriste au Gisti, une association de défense des droits des étrangers.

Quant aux travailleurs non saisonniers, il s’agit de la migration économique qualifiée, promue entre 2007 et 2012 comme « immigration choisie », mais qui n’a décollé qu’à partir de 2016, lorsque « les "passeports talents" ont remplacé l’ancienne carte de séjour "compétences et talents», écrit encore François Héran.

Enfin, la croissance des titres de séjour pour l’asile et la santé (étrangers malades) reste modérée par rapport au mouvement mondial d’augmentation des exilés.

« Cette hausse était la moindre des choses, sauf à imaginer que le pays puisse se tenir à l’écart des événements du monde », poursuit le démographe dans son ouvrage.

Une hausse mondiale de l’immigration depuis 2000

Il n’est pas inutile de réinscrire les mouvements de l’immigration dans une histoire plus longue et un contexte mondial, comme s’est attaché à le faire François Héran dans son dernier ouvrage.

Il ressort ainsi des statistiques sur période longue que l’immigration augmente en effet en France depuis 2000. Après la Seconde guerre mondiale (1946-1975), elle a d’abord connu une forte croissance (+ 2,3 % par an) portée par les besoins économiques, puis une longue stagnation (1975-1999), à + 0,5 % par an, avant de croître à nouveau depuis 1999 (+ 2,1 % par an).

Or depuis 2000, la croissance de la population française est moindre que durant les « Trente Glorieuses ». La part de la population immigrée dans la population française croît donc plus rapidement aujourd’hui que dans les années 1950 et 1960.


Depuis 2000, l’immigration augmente de nouveau en France

part immigration France
Part de la population immigrée dans la population totale en France métropolitaine (en %)

Autre différence notable : une modification des origines, qui s’explique par le fait que les flux en provenance d’Europe du Sud (Italie, Portugal, Grèce, Espagne) ont reculé. Par effet de structure, la part des immigrés du Maghreb et d’Afrique subsaharienne dans la population immigrée est donc aujourd’hui plus importante lors de cette troisième phase que par le passé (39 % en 1999, contre 28 % en 1975).

Qu’en est-il maintenant dans une perspective de comparaison internationale ? La croissance de l’immigration est patente, partout dans le monde depuis 2000 (+ 62 % entre 2000 et 2020). L’Europe n’y échappe pas (+ 53 %). De ce point de vue, la France est plutôt moins exposée que la moyenne (+ 35 %).

A noter que, à la différence de l’Insee qui définit depuis 1991 les immigrés comme personnes nées étrangères à l’étranger et installées durablement en France, les Nations unies (et l’OCDE) retiennent une définition plus large de personnes nées à l’étranger. Cela faute de mieux, car des données plus fines ne sont pas disponibles pour tous les pays. Cette définition large inclut donc les personnes nées à l’étranger mais ayant la nationalité de leur pays de résidence.


L’augmentation du nombre d’immigrés, une tendance mondiale

immigrés monde

Evolution des immigrés dans le monde, en Europe et en France (en millions de personnes)

En Europe, la France en retrait

Si l’on regarde maintenant l’évolution de la population immigrée dans les différentes régions d’Europe sur les vingt dernières années, on constate que la France occupe une position plus proche des pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale que de ses voisins immédiats. Elle se distingue notamment du bloc Allemagne-Autriche, caractérisé par sa mobilisation dans l’accueil des exilés à partir de 2015.

La France est restée à l’écart de ce mouvement d’accueil, en retrait.

« Elle occupe une position singulière. Il lui était évidemment impossible d’échapper à la hausse tendancielle de l’immigration qui touche l’ensemble des démocraties libérales. A partir de 2015, pourtant, elle s’écarte du modèle qui prévaut en Europe de l’Ouest », écrit François Héran.

Le chercheur pointe « les stratégies de rapprochement de l’extrême droite française avec les régimes illibéraux d’Europe centrale » et souligne que « la double tentation illibérale et xénophobe se situe dans l’héritage du communisme, qui a muré les peuples pendant quarante ans et les a empêchés de se familiariser avec la présence de l’étranger ».


Une croissance française des immigrés en retrait par rapport à l’Europe de l’Ouest


nbre premières DA




Progression relative des immigrés dans diverses régions de l'Europe (base 100 en 2000)

Une analyse plus fine de l’octroi de titres de séjour par nationalité confirme que la France est restée à l’écart de la mal nommée « crise des réfugiés ». On regarde ici toutes les premières demandes d’asile déposées, indépendamment de la décision rendue, donc en supposant (hypothèse large) que les déboutés restent sur le territoire.


La France est restée à l’écart de l’accueil des exilés lors de la crise de 2015

titres séjour
Evolution du nombre de premières demandes d’asile déposées par les Syriens, les Afghans et les Irakiens dans trois pays d’Europe

Concernant les autres nationalités qui candidatent à l’asile, les demandes déposées ces dernières années correspondent à peu près à la part que représente le PIB de la France dans le PIB de l’Union européenne depuis le départ du Royaume-Uni (17 %). Cela suggère que la France « prend sa part », même si là encore, les chiffres traitent des demandes déposées, et non des décisions rendues.

Pour les autres demandes d’asile, la France prend sa part

Autres DA


Part des demandes d'asile déposées en France dans l'UE et part du PIB français dans le PIB de l'Union européenne (à 27)

Bref, si les politiques d’immigration françaises sont allées d’échec en échec ces dernières années, c’est qu’elles se fixent des objectifs démesurés, en totale négation avec un phénomène mondial de long terme, l’augmentation de l’immigration, auquel la France ne peut prétendre échapper. Il y a urgence à changer d’approche et à adopter une perspective plus pragmatique et plus réaliste.





E- Situations de la vie réelle des exilé.es en France

- Les violences policières à l’égard des exilés sont « systématiques et pérennisées » (23 11 23 MDPt)

Dans un rapport rendu public jeudi, le Collectif accès au droit met au jour 448 cas recensés en région parisienne, allant du harcèlement aux violences verbales en passant par des violences physiques graves. « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg », alerte l’une de ses membres.







Sujet lié - Voir notre fiche discriminations

Un médecin ne peut pas refuser un patient au prétexte qu’il a la Complémentaire Santé Solidarité CSS (CMU) ou l’AME et il doit appliquer le tiers-payant (le patient n’avance pas les frais)










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